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condamnés qu’on prenait au passage. À peine étaient-ils ferrés, que leurs voisins les entouraient, et leur volaient le peu d’argent qu’ils pouvaient avoir.

Loin de prévenir ou d’arrêter ces vols, les argousins les provoquaient souvent, comme je le leur ai vu faire pour un ex-gendarme qui avait cousu quelques louis dans sa culotte de peau. Y a gras ! avaient-ils dit, et en trois minutes le pauvre diable se trouva en bannière. En pareil cas, les victimes jetaient ordinairement les hauts cris en appelant à leur secours les argousins ; ceux-ci ne manquaient jamais d’arriver quand tout était fini, pour tomber à grands coups de bâton… sur celui qu’on avait volé. À Rennes, les bandits dont je parle poussèrent l’infamie jusqu’à dépouiller une sœur de charité qui était venue nous apporter du tabac et de l’argent, dans un manège où nous devions passer la nuit. Les plus criants de ces abus ont disparu, mais il en subsiste encore, qu’on trouvera bien difficiles à déraciner, si l’on considère à quels hommes est nécessairement confiée la conduite des chaînes, et sur quelle matière ils opèrent.

Notre pénible voyage dura vingt-quatre jours ; arrivés à Pont-à-Lezeu, nous fûmes placés au