Le moment critique approche : nous descendons dans la cour des fers, où le médecin de la prison nous visite pour s’assurer si tout le monde est à peu près en état de supporter les fatigues de la route. Nous sommes tous déclarés bons, quoique plusieurs d’entre nous se trouvent dans un état déplorable. Chaque condamné quitte ensuite la livrée de la maison pour revêtir ses propres habits : ceux qui n’en ont point reçoivent un sarrau et un pantalon de toile, bien insuffisants pour se défendre des froids et de l’humidité. Les chapeaux, les vêtements un peu propres qu’on laisse aux condamnés, sont lacérés d’une manière particulière, afin de prévenir les évasions : on ôte, par exemple, aux chapeaux le bord, et le collet aux habits. Aucun condamné ne peut enfin conserver plus de six francs ; l’excédent de cette somme est remis au capitaine, qui vous le délivre en route, au fur et à mesure qu’on en a besoin. On élude toutefois assez facilement cette mesure, en plaçant des louis dans des gros sous creusés au tour.
Ces préliminaires achevés, nous entrâmes dans la grande cour, où se trouvaient les gardes de la chaîne, plus connus sous le nom d’argou-