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néanmoins ma revanche dans un cabanon, où Beaumont manquant d’espace pour déployer les ressources de son art, eut à son tour le dessous. Ma première mésaventure me donna cependant l’idée de me faire initier aux secrets de cet art, et le célèbre Jean Goupil, le Saint-Georges de la savatte, qui se trouvait avec nous à Bicêtre, me compta bientôt au nombre des élèves qui devaient lui faire le plus d’honneur.

La prison de Bicêtre est un vaste bâtiment quadrangulaire, renfermant diverses constructions, et plusieurs cours qui toutes ont un nom différent : il y a la grande cour, où se promènent les détenus, la cour des cuisines, la cour des chiens, la cour de correction, la cour des fers. Dans cette dernière se trouve le bâtiment neuf composé de cinq étages ; chaque étage forme quarante cabanons pouvant contenir quatre détenus. Sur la plate-forme qui tient lieu de toit, rôdait jour et nuit un chien nommé Dragon, qui passait pour être aussi vigilant qu’incorruptible ; des détenus parvinrent cependant plus tard à le suborner, au moyen d’un gigot rôti, qu’il eut la coupable faiblesse d’accepter : tant il est vrai qu’il n’est point de séductions plus puissantes que celles de la glou-