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fossés, contre la corde, contre la foulure, ce qui ne me tirait pas du tout d’embarras, lorsque vint à passer près de moi un homme avec une de ces brouettes si communes dans la Flandre. Un écu de six francs, le seul que je possédasse, et que je lui offris, le détermina à me charger sur sa brouette et à me conduire au village voisin. Arrivé chez lui, il me déposa sur son lit, et s’empressa de me frictionner le pied avec de l’eau-de-vie et du savon ; sa femme le secondait de son mieux, en regardant toutefois avec quelque étonnement mes vêtements souillés de la fange des fossés. On ne me demandait aucune explication, mais je voyais bien qu’il en faudrait donner, et ce fut pour m’y préparer, que, feignant d’avoir grand besoin de repos, je priai mes hôtes de me laisser un instant. Deux heures après je les appelai comme un homme qui s’éveille, et je leur dis en peu de mots, qu’en montant des tabacs de contrebande par le rempart, j’avais fait une chute ; mes camarades, poursuivis par les douaniers, avaient été forcés de m’abandonner dans le fossé ; j’ajoutai que je remettais mon sort entre leurs mains. Ces braves gens, qui détestaient les douaniers aussi cordialement qu’aucun habitant de quelque frontière que ce