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tait une danse sauvage, en prenant les postures les plus lascives.

À notre aspect, la fête s’interrompit. Les hommes vinrent prendre la main de Christian, les femmes l’embrassèrent ; puis tous les yeux se tournèrent vers moi, qui me trouvais assez embarrassé de ma personne. On m’avait fait sur les Bohémiens une foule d’histoires qui ne me rassuraient nullement. Ils pouvaient prendre de l’ombrage de mes scrupules, m’expédier, sans que l’on pût jamais deviner où j’étais passé, puisque personne ne devait me savoir dans ce repaire. Mes inquiétudes devinrent même assez vives pour frapper Christian, qui crut beaucoup me rassurer en me disant que nous nous trouvions chez la Duchesse (titre qui répond à celui de Mère pour les compagnons du devoir), et que nous étions parfaitement en sûreté. L’appétit me décida toutefois à prendre ma part du banquet. La cruche de genièvre se remplit même et se vida si fréquemment, que je sentis le besoin de gagner mon lit. Au premier mot que j’en dis à Christian, il me conduisit dans une pièce voisine, où dormaient déjà dans la paille fraîche, quelques-uns des Bohémiens. Il ne m’appartenait pas de faire le difficile ; je ne pus cependant m’empê-