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l’aspect le plus misérable ; les murailles noircies étaient sillonnées de profondes lézardes, et de nombreux bouchons de paille remplaçaient aux fenêtres les carreaux cassés. Il était minuit ; j’eus le temps de faire mes observations à la clarté de la lune, car il se passa près d’une demi-heure avant qu’une des plus horribles vieilles que j’aie jamais rencontrées vînt ouvrir. On nous introduisit alors dans une vaste salle, où trente individus des deux sexes fumaient et buvaient pêle-mêle, confondus dans des attitudes sinistres ou licencieuses. Sous leurs sarreaux bleus, tatoués de broderies rouges, les hommes portaient ces vestes de velours azuré chargées de boutons d’argent qu’on voit aux muletiers andalous ; les vêtements des femmes étaient tous de couleur éclatante : il y avait là des figures atroces, et cependant on était en fête. Le son monotone d’un tambour de basque, mêlé aux hurlements de deux chiens attachés aux pieds d’une table, accompagnait des chants bizarres, qu’on eût pris pour une psalmodie funèbre. La fumée de tabac et de bois, qui remplissait cet antre, permettait à peine enfin, d’apercevoir, au milieu de la pièce une femme qui, coiffée d’un turban écarlate, exécu-