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sots caprices qui peuvent naître dans la cervelle d’un boutiquier enrichi. Personne ne se mêlerait de donner à un cordonnier des conseils sur la manière de fabriquer une paire de bottes, mais beaucoup pensent qu’il n’est pas besoin de compétence spéciale pour intervenir dans la production d’une œuvre d’art ; Morris ne pouvait souffrir ces conseilleurs. On prétend qu’un jour, un riche client visitant les salles d’exposition de la société admirait fort certains dessins de tenture, mais en critiquait le coloris, trop criard à son gré, Morris peu patient ouvrit brusquement la porte et montrant d’un geste large la rue boueuse au visiteur interloqué lui dit : « Si c’est de la boue que vous voulez, en voilà ! »

On comprend de quelle importance était pour lui la teinture. Il la considérait comme l’un des fondements des arts décoratifs et aurait voulu que les couleurs préparées pour les artisans le fussent avec le même soin que pour les peintres. C’est en partie pour pousser plus à fond ses recherches sur les teintures qu’il se décida à transférer ses ateliers à Merton Abbey dans le Surrey. Peut-être n’avait-il pas toute la science d’un ingénieur-chimiste depuis longtemps spécialisé, mais il serait injuste de croire que ses recherches n’étaient qu’empirisme; il n’avait pas tardé à acquérir les notions indispensables et, comme plus tard l’admirable Emile Gallé, il était vraiment le chef d’industrie, attentif à ne rien négliger qui puisse embellir son œuvre ; les moindres détails avaient du prix à ses yeux et, comme le plus obscur des manœuvres, il lui arrivait de venir surveiller les cuves où on