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les plus réputées. Comparées aux brocarts, aux velours, aux tentures d’autrefois, les étoffes du XIXe siècle paraissaient manquer d’éclat. Il comprit vite que le mal venait en grande partie de la substitution des couleurs tirées des goudrons de houille aux couleurs végétales; on avait voulu gagner du temps dans la préparation et réaliser des économies, on y avait réussi, mais ç’avait été au détriment de la beauté. Jadis les couleurs étaient plus résistantes; certes la lumière, le soleil, le temps finissaient par les faner, mais en pâlissant elles conservaient leur teinte primitive et ces étoffes passées avaient un charme pénétrant et très doux ; aujourd’hui les couleurs ne se fanent plus, elles se décomposent très rapidement, au lieu d’avoir des nuances atténuées et jolies encore, on assiste à des transformations étranges et inattendues, les ors tournent au vert, les rouges deviennent des violets vineux, les bleus se plaquent de blanc, les verts semblent se tacher de vert-de-gris.

Après des réclamations sans nombre et sans résultat auprès de ses fournisseurs, Morris comprit qu’il n’obtiendrait jamais complète satisfaction à moins d’être lui-même son propre teinturier. Il n’hésita pas longtemps et commença des essais dans la cuisine de la maison qu’occupaient ses ateliers à Bloomsbury ; il voulait retrouver les teintes qui donnaient jadis une telle splendeur aux tapisseries de haute lisse sorties des ateliers de Bruxelles ou d’Arras. Il avait appris la technique sous la direction de M. Thomas Wardle de Leek, et il put assez vite obtenir des couleurs plus résistantes que celles qu’on