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grand art. Les transfuges y venaient à contre-cœur, ils s’efforçaient d’en sortir le plus vite possible pour retourner à la peinture ou à la sculpture classiques, et en attendant ils essayaient de conserver quelque dignité à leurs propres yeux en employant toutes les recettes et formules qu’ils avaient apprises dans les académies, à moins que découragés ils n’abdiquassent toute préoccupation de beauté, se souciant uniquement de gagner de l’argent. Dans les deux cas le résultat était pitoyable et on sait ce qu’étaient l’ameublement et la décoration en Angleterre vers le milieu du XIXe siècle.

Il y avait quelque mérite à vouloir transformer tout cela, à proclamer, malgré l’opinion générale, que la tâche valait la peine d’être tentée, qu’elle était digne d’intéresser les artistes et qu’il y avait là une leçon de beauté à donner au monde. Les adversaires de Morris ont pu dire que comme beaucoup d’autres il n’était venu à l’art décoratif que parce qu’il n’avait pu réussir dans le grand art. C’est possible, mais ce n’est nullement certain, car son tempérament était trop riche pour se limiter à une seule forme d’art. En tout cas il y venait dans une disposition d’esprit assez rare, ce n’était pas à ses yeux une déchéance, mais une orientation vers un travail plus conforme à ses dons naturels.

Jusqu’alors nous l’avions vu, esprit curieux et chercheur, s’initiant à toutes les formes d’art, sans rien approfondir, semblait-il. Les années de préparation, de tâtonnement, d’incertitude, sont maintenant terminées; de plus en plus il se dégagera de toutes les écoles, secouera