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donner ses occupations habituelles, comme en outre ils voulaient réaliser un ensemble qui fût vraiment remarquable, la décoration de la Maison Rouge n’avançait que lentement; dès 1860 le jeune couple put s’y installer, mais l’œuvre n’était pas encore terminée quand Morris fut obligé, en 1865, de quitter Upton pour s’installer à Londres. Toutefois cette entreprise fut capitale dans la formation de Morris, elle lui fît abandonner la peinture pour l’art décoratif.

C’était peut-être la plus grande preuve d’indépendance que pût alors donner un artiste. Il faut nous rappeler en quel mépris les arts industriels étaient tenus vers 1860. Sans doute Ruskin avait déjà fait entendre d’éloquentes protestations, il avait signalé la valeur d’un art qui embellit le foyer et se mêle à la vie quotidienne, mais si on applaudissait quelquefois à ses théories on ne les appliquait pas encore. Le « grand art » seul paraissait digne d’intérêt. Cette attitude ne saurait nous surprendre, il n’y a pas si longtemps que les arts industriels ont obtenu droit de cité dans nos salons annuels et encore aujourd’hui, certains artistes persistent à les considérer comme des parents pauvres auxquels on fait beaucoup d’honneur en daignant s’y intéresser un peu. En 1860 il fallait à Morris une certaine force de caractère pour lutter contre un préjugé triomphant, il ne pouvait espérer aucun appui, ni chez les artisans, ni dans le public. L’art décoratif était alors considéré, et avec raison le plus souvent, comme le refuge des incapables, des ratés, de tous ceux qui ne pouvaient réussir dans le