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était très distrait, mettaient toute la maison en joie et inquiétaient même les voisins paisibles.

Leur logis n’étant pas meublé, ils avaient dû songer à se procurer des meubles. Grosse affaire ! Morris était exigeant; il ne voulait chez lui que de belles choses et il eut maintes occasions de s’indigner et de déplorer le manque de sens artistique des fabricants. De guerre lasse et en manière de protestation contre toute cette laideur prétentieuse, il dessina lui-même et fit exécuter sur ses dessins les meubles qu’il souhaitait. Tentative intéressante d’où devait sortir plus tard la fameuse maison de décoration Morris et Cie.

La prédiction de Rossetti ne devait pas se réaliser. Morris ne devint pas un grand peintre, à vrai dire il ne fut même jamais peintre et n’a guère produit que des esquisses qui témoignent d’une grande richesse d’imagination, mais aussi d’une certaine insuffisance dans le dessin. Il réussissait assez mal les personnages, leur prêtant des attitudes gauches, des gestes hésitants, des physionomies peu expressives, et Rossetti n’était pas un professeur suffisamment méticuleux pour corriger de tels défauts, attachant lui-même beaucoup plus de prix à l’inspiration qu’à l’exécution. Mais pendant cet apprentissage, qui devait durer plusieurs années, commencèrent à s’affirmer la personnalité et le talent de Morris ; il y acquit cet art merveilleux d’arrangement des couleurs, d’harmonie des tons, qui donne un charme si pénétrant à ses œuvres décoratives. Au contact de l’enthousiasme de Rossetti se développèrent aussi en lui cette précieuse