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mais il avait aussi un instinct révolutionnaire qui ne s’embarrassait pas des hésitations de la politique et il proposait aux conservateurs les mesures les plus radicales : par exemple il rendait les employeurs responsables du bien-être et du bonheur de leurs ouvriers.

En revanche il exigeait de ceux-ci subordination et obéissance. La véhémence de certains de ses appels en faveur des classes pauvres ne doit pas nous faire illusion, c’était plutôt un devoir de charité qu’un principe de justice qu’il invoquait en leur faveur, et c’est ce qui explique son succès. En fait il se bornait à demander que la traditionnelle hiérarchie anglaise fût renforcée, mais que les « gentlemen » n’oubliassent point que les ouvriers étaient leurs frères. Rien de tout cela ne pouvait inquiéter les classes dirigeantes, et elles applaudirent à l’évangile ruskinien.

Il serait injuste cependant de ne voir en Ruskin qu’un théoricien platonique et aisément satisfait. En maintes circonstances il sut payer de sa personne. Par exemple, de 1854 à 1858, malgré une santé souvent chancelante, il accepta la lourde tâche d’enseigner le dessin et de conférencier au « Collège des Travailleurs », sorte d’université populaire fondée par le Révérend F.-D. Maurice dans l’East End de Londres. Libéralement aussi il dépensa l’immense fortune paternelle et les sommes considérables que lui rapportaient ses livres, toujours guidé par le souci de créer de la beauté ou de supprimer une misère humaine. Il dota largement le musée d’histoire naturelle d’Oxford, laissa à l’Université une