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que Ruskin avait un jour acheté un tableau de Meissonnier pour mille livres (25.000 francs). Un an après il le revendit au même marchand pour le même prix. Celui-ci le mit immédiatement aux enchères comme ayant été approuvé par « l’illustre Ruskin ». Le tableau atteignit six mille guinées (157.500 francs).

Nous ne prétendons pas défendre en toutes circonstances le goût ou les jugements de Ruskin. Il n’a jamais pu se défaire de certaines préventions et demeura toujours fermé à quelques formes d’art. L’idée morale qui dominait toute son esthétique lui inspirait parfois des commentaires déconcertants ; il y avait chez lui du théologien en même temps que du moraliste, « à peine pouvait-il décrire un tableau représentant la Vierge Marie sans lui dénier en même temps le droit d’être adorée ». Ses admirations étaient enthousiastes et exclusives, mais changeantes. Quand il était professeur d’art à Oxford, la plaisanterie classique parmi ses élèves était de s’aborder en se demandant : « Quel est aujourd’hui le plus grand peintre de tous les temps ? » On connaît son incompréhension manifeste de l’œuvre de Whistler. Le délicieux Vieux Pont de Battersea (conservé à la Tate Gallery de Londres) n’était pour lui « qu’un pot de couleur jeté à la face du public ». On a peine à comprendre aussi certains enthousiasmes de sa vieillesse, pour les dessins de Mlle Francesca Alexander, par exemple.

Mais en dépit de quelques erreurs, de quelques partis pris, il n’en est pas moins vrai qu’entre 1850 et 1860 il contribua puissamment à améliorer le goût du public