Page:Vidalenc - William Morris.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’œuvre d’art doit être une joie pour celui qui la produit, en même temps que pour celui qui l’utilisera.

Et c’est pourquoi Morris, qui lui-même fournissait un labeur extraordinaire, pour qui l’inaction était la pire des souffrances, préconise des journées de travail courtes, c’est pourquoi il demande que l’on restreigne le rôle des machines, qu’elles ne soient plus les maîtresses dans l’industrie, maîtresses redoutables auxquelles on sacrifie parfois l’intelligence même de l’artisan, mais qu’elles redeviennent les servantes comme elles l’étaient jadis. La dignité de l’artisan veut qu’il soit vraiment le maître d’œuvre, qu’il prenne conscience de la valeur et de la beauté de sa tâche. C’est la première réhabilitation à tenter.

Ce serait cependant mal comprendre Morris que de voir en lui un esprit conservateur à outrance qu’effrayent toutes les nouveautés ou un déséquilibré de génie comme Ruskin rêvant de ramener l’industrie du XIXe siècle aux conditions de l’industrie du moyen âge. Il savait reconnaître l’importance et l’utilité de la machine, mais il connaissait aussi la limite de ses pouvoirs et voulait qu’on ne la considérât pas comme propre à toutes les besognes, comme capable de remplacer partout le travail humain. Ce serait vouloir la décadence irrémédiable de certaines industries : la tapisserie, la dentelle, l’ameublement par exemple, que de les condamner à répéter sans fin les mêmes modèles. Que la machine serve à faciliter la besogne de l’artisan, rien de mieux ! Elle peut être une aide efficace, contribuer à rendre les journées de travail moins longues