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rence dénudée, qui pointent de toutes parts. L’aspect du pays est bien encore celui des terrains anciens ; ce sont en effet des roches primaires qui constituent la surface. Mais elles appartiennent à un autre âge, plus récent ; elles racontent un autre épisode de la même histoire. On est, en réalité, sorti de l’Ardenne. Ce qui commence c’est la région détritique et récifale qui s’est formée en bordure du vieux massif émergé. Lorsque l’Ardenne était séparée du Brabant par un bras de mer, les débris arrachés au massif s’accumulaient sur ses bords, et les coraux y construisaient des séries de récifs analogues à ceux qui bordent aujourd’hui les côtes orientales d’Australie. De là ces grès, ces calcaires, ces marbres, qui désormais accidentent le relief. Châteaux et forteresses ont pris possession des rocs calcaires. Givet, Marienbourg, Chimay, Philippeville, Avesnes, hérissant, comme Mézières au débouché opposé, les abords du massif, lui donnent un aspect féodal et guerrier. Les eaux, suintant sur le sol imperméable en nombreux ruisseaux, ou étalées en étangs, se rassemblent peu à peu pour former les premiers filets de l’Oise, pour envoyer à la Sambre ses premiers affluents.

La Sambre a creusé son lit dans la direction des bandes ; elle coule, dans son cours supérieur, du Sud-Ouest au Nord-Est, conformément à la direction des couches géologiques. Au contraire, la Meuse, de Givet à Namur, traverse perpendiculairement les différentes formations qui se succèdent du Sud au Nord. Sa vallée est désormais plus large, mais reste encaissée. Dinant et Bouvignes, les villes jadis ennemies, se serrent étroitement aux flancs de leurs rochers. Le roc de Namur porte une vieille forteresse historique. L’aridité des escarpements calcaires contraste avec la fraîcheur verdoyante qu’entretient l’imperméabilité du sol schisteux.


V SYNCLINAL HOUILLER

Mais graduellement des couches géologiques moins anciennes se présentent à la surface ; et c’est ainsi qu’aux calcaires et grès dévoniens succèdent ceux de la période carbonifère, et qu’enfin la houille affleure à la surface dans le très ancien synclinal où la Sambre et la Meuse elle-même à partir de Namur ont pris place.

Ce synclinal[1], où se sont amassés les végétaux dont la décomposition a donné la houille, est un des traits les plus essentiels et les plus durables de la géographie de ces régions. Bien longtemps après l’époque primaire, il se dessinait encore comme un long détroit entre l’Ardenne et le massif alors

  1. Dans une région qui a été plissée, les couches de terrain présentent une série de courbures alternativement saillantes et creuses: on appelle les premières des anticlinaux et les secondes des synclinaux. Il est bon de faire remarquer que ces noms s’appliquent à la disposition des couches, sans que ces traits de structure correspondent nécessairement à des traits analogues de relief. Ainsi il n’est pas rare qu’un pli synclinal se dessine en saillie, ou inversement qu’un anticlinal se dessine en creux. Car le relief est surtout déterminé par la dureté des roches et le degré de résistance qu’elles sont capables d’opposer à l’érosion.