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XIXe siècle. On avait fait d’assez grands progrès à la fin du XVIIIe siècle pour la rapidité des voyages1 ; cependant les résultats atteints à celle époque seraient aujourd'hui de nature à nous faire sourire. A la fin du XVIIIe siècle et encore au commencement du XIXe, la circulation des choses, sinon des hommes, restait assujettie aux mêmes difficultés et aux mêmes lenteurs que par le passé. On ne soupçonnait pas encore quelle intensité d’attraction des contrées, même éloignées, peuvent exercer les unes sur les autres.

C’est surtout une conception politique qui fait la différence entre le réseau romain et le réseau monarchique de la fin du XVIIIe siècle. Examinons-le en effet : les voies qui se dirigeaient directement du Rhône vers l’Océan, de la Saône vers les Pays-Bas, semblent avoir subi une torsion. Elles se détournent vers Paris, s’y nouent ; elles décrivent tout autour une sorte de toile d’araignée. Comme les tentacules d’un polypier, elles s’allongent en tous sens. L’intervalle vide s’accroît avec l’éloignement de la capitale ; il devient énorme vers l’Ouest et le Midi. Au Sud de la Loire, il n’y a que deux routes unissant la vallée du Rhône à l'Océan, l’une par Clermont, l’autre par Toulouse. 
Certaines directions fondamentales n’ont pas entièrement disparu : on retrouve encore, par Langres, Chaumont et Reims, une des voies directes unissant la Bourgogne aux Flandres. Mais ces courants d’autrefois ont cessé de se marquer aussi fortement dans la physionomie générale du réseau. On peut en dire autant des rapports directs entre les Alpes et l’Océan, de l’ancienne Province romaine avec l’Aquitaine. Plusieurs causes qui avaient eu 

de grands effets sur les rapports réciproques des hommes et sur la tournure prise par la civilisation, ont ainsi passé à l’arrière-plan. Parmi un certain nombre de traits qui subsistent, il en est qui n’apparaissent qu’à demi effacés. Et la disparition de tels ou tels anciens rapports emporte avec elle l’explication de nombre de faits historiques. D’autres traits se sont accentués. Telle est l’importance que prend le réseau vers le Rhin et la mer du Nord. Déjà les voies romaines manifestaient cette idée stratégique. « La frontière de Vauban » multiplie les routes, renforcées encore, en Alsace comme en Flandre, par des canaux ou des fleuves.

IV LA CENTRALISATION

Ce système de routes est, en somme, un type de centralisation. Quels que soient les avantages inhérents à la position géographique de la capitale, il n’y a aucune parité entre eux et les conséquences qui en sont sorties. Le Bassin de Londres, avec des avantages en grande partie semblables à ceux du Bassin de Paris, n’a pas été centralisateur au même degré. Un poids jeté dans la balance a troublé, chez nous, l’équilibre des causes géographiques. Des affinités naturelle sont été exagérées. Ce n’est plus la géographie pure, mais de l'his-


1. Durée de quelques trajets en 1765 : De Paris à Lille, 2 jours ; à Besançon, 7 jours ; à Nancy, 8 jours ; Rennes, 8 jours ; Nantes, g jours ; Marseille, 13 jours ; Toulouse, 16 jours.