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humains dolichocéphales à cheveux très noirs, dont le type s’écarte autant des brachycéphales du Massif central que des dolichocéphales blonds du Nord de la France[1]. Traversé par d’autres races, modifié par les croisements, ce type persiste néanmoins à réapparaître dans toute la zone méridionale qui s’étend jusqu’aux Alpes. Les populations proprement pyrénéennes sont, il est vrai, assez différentes entre elles : le Navarrais à visage long et mince ; le Basque aux tempes renflées et au menton pointu, aux larges épaules et aux hanches rétrécies comme un ancien Egyptien ; le Catalan à large face et à épaisse encolure, ne se ressemblent guère. Mais ils représentent des éléments qui n’existent pas ailleurs dans la composition ethnique de la France ; ce sont les avant-gardes dont il faut chercher le centre au delà, vers le Sud.


II RAPPORTS AVEC LE MONDE IBÉRIQUE

C’est ainsi qu’à travers nos contrées sub-pyrénéennes apparaît l’image d’une contrée plus vaste, de ce continent en petit qu’on nomme la Péninsule ibérique. Avec sa superficie qui dépasse d’un cinquième celle de la France, elle pèse sur la partie rétrécie qui lui succède immédiatement au Nord, et il faut ajouter que cette masse compacte n’est séparée de l’Afrique que par un fossé de 14 kilomètres, de formation assez récente pour que le roc de Gibraltar conserve encore un groupe de singes, marquant l’extension extrême de ces animaux terrestres vers le Nord. Les zoologistes distinguent dans la faune de l’Espagne plusieurs espèces par lesquelles elle se rattache à celle du Nord de l’Afrique : il serait imprudent de ne pas tenir compte dans l’histoire des hommes de relations terrestres dont la trace reste imprimée sur la répartition actuelle des espèces vivantes, et dont l’interruption est encore d’étendue insignifiante. Dans les cadres de civilisations primitives, tels qu’on peut aujourd’hui les entrevoir, le monde ibérique parait inséparable des pays de l’Atlas jusqu’aux Canaries inclusivement et même des grandes îles de la Méditerranée occidentale, Sardaigne et Corse. Les observations de l’anthropologie et de l’ethnographie confirment le lien d’affinité que pouvait faire soupçonner l’examen de la flore et de la faune. Lorsque les observateurs grecs entrèrent pour la première fois en relations avec les peuples ibériques, surtout des cantons reculés du Nord-Ouest de l’Espagne, ils furent profondément frappés de ce qu’offrait de particulier leur manière de se nourrir, de se vêtir, de combattre, de danser. Poussant plus loin leurs observations ethnographiques, ils signalèrent, en ce qui concerne l’hérédité, le rôle de la femme, etc., des usages en désaccord avec ce qu’ils connaissaient. Visiblement ils se trouvaient en présence de formes spéciales de civilisation.

  1. Observations résultant des conseils de révision (Dr R. CoUignon, Anthropologie du Sud-Ouest de la France, Mémoires de la Soc. d’anthrop., 3e série, t. I, fasc. 4, 1895). D’après l’indice céphalique tiré du rapport entre les deux diamètres, l’un transversal, l’autre longitudinal, du crâne, on distingue des brachycéphales (crânes courts et presque ronds) et des dolichocéphales (crânes allongés).