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chevaux qui le faisait parvenir en trente jours du Pas de Calais à l’embouchure du Rhône[1].

Ainsi se glissèrent en Gaule, soit indirectement par le détour de l’Océan, soit directement par les voies intérieures, de nombreux ferments de vie générale. Des nœuds de rapports se fixent alors ; des points de concentration s’établissent : ce sont, dans le développement de l’être géographique que nous étudions, quelque chose d’analogue à ces « parties constituantes », à ces « points d’ossification » dans lesquels les naturalistes nous montrent le commencement de l’être humain. Un grand pas est fait dans le développement géographique d’une contrée quand les fleuves ou rivières, au lieu d’être simplement recherchés comme sites de pêche ou fossés de défense, deviennent des voies de communication, suscitent des marchés aux confluents ou aux embouchures, des établissements aux étapes où la batellerie doit changer ses moyens de transport. Avant même la domination romaine, mais surtout depuis, Vienne, Lyon, Châlon-sur-Saône, Roanne, Decize, Nevers, Gien, Orléans, Troyes, Melun, Paris, etc., préludent ainsi à la vie urbaine. Par là s’introduit à travers les habitudes de vie locale le mouvement entretenu par une population dont l’existence est vouée au trafic et au transport. Les premiers renseignements historiques sur la Gaule nous montrent des habitudes de circulation active, par les routes plus encore que par les fleuves. Sans doute sur les plateaux calcaires ou à silex qui occupent, surtout dans le Nord, une grande étendue, les matériaux s’offraient d’eux-mêmes à l’empierrement, et la nature faisait presque les frais des routes. Mais ce qui prouve qu’elles servaient déjà à des relations lointaines, c’est la curiosité même qui y attirait les populations ; on y accourait pour savoir les nouvelles[2].

Il y avait déjà chez ces peuples quelque chose que les Grecs du Ve siècle avant J.-C. traduisaient par le mot philhellène[3]. Cela voulait dire des gens accueillants pour les étrangers, aptes à apprécier les avantages et à se conformer aux habitudes du commerce. C’est dans le même sens que les habitants des districts métallurgiques de la Cornouaille étaient réputés « pacifiques », que plus tard on parla de « la douceur » des Sères ; et qu’Eginhard, plus tard encore, louait l’esprit de douceur des habitants de la côte de l’ambre.


VII CONTRÉES INTERMÉDIAIRES ENTRE LE SUD ET LE NORD DE L'EUROPE

La Gaule ne fut pas la seule contrée médiatrice entre la Méditerranée et les mers du Nord. Sur le haut Danube, autour de Hallstatt, le sel et le fer attirèrent des voies de commerce. Par la plaine danubienne et la Moravie était la route que prit l'ambre de la Baltique pour parvenir à l’Italie. La Dacie fut exploitée pour ses mines d’or. La Russie méridionale ouvrit ses fleuves aux colonies grecques de la mer Noire. Chacune de ces contrées servit

  1. Diodore de Sicile, V, 21, 22.
  2. César, De bello gallico, IV, 5.
  3. Ephore, Fragmenta historicorum græcorum, t. I, édit. Didot, 1853-70; fragm. 43, p. 245.