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mie des innovations. Sur cette terre, qui nourrit sans enrichir, les rapports de l'homme et du sol semblent manquer d’élasticité. Le pays vosgien nous avait offert le spectacle de rapports en perpétuel mouvement, s’assouplissant aux conditions dune nature variée, substituant tour à tour le hameau au chalet, l’usine à l’abbaye. Rien de semblable ici : le contraste n’est pas seulement dans l’aspect, le relief, la nomenclature : il est aussi dans l’homme.

On se sent en présence d’un type frappé à l’effigie du sol. Cette population de villageois-campagnards représente un groupe plutôt géographique qu’ethnique. Sur les limites de la Bourgogne comme du Luxembourg, les mêmes aspects de vie rurale se présentent. Les traits sont communs, à peu de chose près, dans la partie de langue française et dans celle de langue allemande. Ces analogies générales paraissent confirmées par les observations anthropologiques. 11 y a un fond de caractères communs, sur lequel le germanisme a inégalement influé, sans le faire disparaître. La limite linguistique ne répond à aucune division naturelle : elle croise successivement toutes les zones. Plus capricieuses encore et plus arbitraires ont été les limites historiques. L’unité de la région repose exclusivement sur ce fond très ancien d’habitudes agricoles, contractées en conformité avec le sol. Cette population a traversé les siècles. Elle avait subsisté, à travers des guerres et des invasions dont les épreuves plus récentes n’étaient pas parvenues à effacer le souvenir : il semble qu’aujourd’hui ses rangs s’éclaircissent de plus en plus, sous l’influence des causes générales qui atteignent les vieilles contrées agricoles, mais ici avec une intensité accrue par la proximité de deux grands foyers d’industrie, celui de Nancy et celui des Vosges. 

VIII LES COTES ET TERRASSES LORRAINES

Lorsque, venant de l’Est, on s’approche de Nancy, des formes nouvelles attirent le regard : en avant d’un rideau dont les lignes uniformes se prolongent a perte de vue, des coteaux isolés, des monts se projettent, comme des piliers détachés d’une masse. Leur parenté ne saurait échapper à l’attention ; partout en effet se répètent les mêmes profils. A une inclinaison douce et ménagée des pentes inférieures succède, généralement aux deux tiers environ de la hauteur, un escarpement raide, rocailleux, tapissé d’abord de taillis, couvert enfin de bois. Ce sont des talus surmontés de corniches. Le ressaut peut être plus ou moins amorti par les éboulis ; mais il est toujours aisé de reconnaître que le chapiteau n appartient pas à la même formation que la base. Celle-ci fait partie des couches marneuses d’âge liasique, dans lesquelles les eaux ont largement déblayé ; elle continue par son modelé la bordure fertile que nous avons vue se marquer vers Mirecourt. Clarmce, Saint-Nicolas. L’escarpement qui la surmonte appartient aux calcaires, dits oolithiques, du jurassique inférieur. Sec et profondément fissuré, il introduit non seulement un autre relief, mais une autre nature.