Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur les terrains consolidés entre les marais, des vestiges de briquetages destinés peut-être à en rendre les abords praticables. Là sans doute, comme à Hallstatt, ou comme à Kissingen en Franconie, prirent place d’antiques exploitations : but de routes, source convoitée de richesse dont il importait d’assurer la défense. Ce pays, le Saulnois, est certainement ainsi une des parties de la Lorraine où se déposèrent le plus tôt des germes de vie urbaine. Les petites villes qui le peuplent, Marsal, Château-Salins, appartiennent à la famille nombreuse en Europe de celles qui doivent leur nom au sel. Le transport de cette denrée donna lieu à des transactions étendues. Sur les berges de la rivière par laquelle les chargements de sel gagnaient Metz et Trêves, la forteresse en ruines de Nomény semble en sentinelle. Au nombre des causes de l’importance précoce de Metz il faut probablement compter sa position au confluent de la rivière de la Seille ; il y eut là sans doute, comme sur la voie du sel entre les Alpes et la Bohême, une étape anciennement fréquentée par ce genre de commerce.

VI PAYS AGRICOLES

Déjà, au-dessus de ces plateaux, des coteaux isolés attirent l’attention. La côte de Virine domine de plus de 120 mètres son piédestal ; des témoins semblables surgissent çà et là, vers Dieuze, Gros-Tenquin , etc. Ce sont les avant-coureurs de la formation marneuse et calcaire (de l’époque du lias), qui d’abord par lambeaux, puis avec continuité, va prendre possession de la surface. Le Madon à Mirecourt, la Moselle à Charmes, la Meurthe à Saint-Nicolas, la Seille à Château-Salins pénètrent dans celte zone, qui est celle du plus riche sol de la Lorraine. Paysage médiocre que ces vallées à berges molles encadrant le fond de prairies qui borde la rivière ! Mais la vigne, à peu près absente jusque-là, garnit ces croupes ; des villages situés dans toutes les positions, dans la vallée, à mi-côte, sur les plateaux, attestent la variété des ressources. Quelques forêts encore assombrissent la plaine, mais sur de grandes étendues le sol roux ne porte que des moissons. Des pays agricoles se sont formés ainsi et gravés dans la nomenclature populaire : le Xaintois à l’Ouest de Mirecourt, le Vermois entre la Moselle et la Meurthe, renommés de bonne heure pour leur fertilité. « Quand le Xaintois et le Vermois sont emblavés, la Lorraine ne risque point de mourir de faim » : et dans ce dicton local on retrouve le persévérant instinct d’autonomie qui fait que pour ses habitants la Lorraine représente quelque chose qui se suffit à lui-même, qui vit de ses propres ressources.

Elles sont grandes en effet, bien qu’achetées toujours au prix d’un dur travail. Ce plateau qui vient à l’Ouest expirer au pied des côtes oolithiques, est le noyau constitutif de la Lorraine. La frange des coteaux qui le terminent ajoute une parure à cet ensemble ; mais le sol nourricier qui permit à des groupes d’hommes de se multiplier, de se constituer en force et en nombre, appartient à cette grande surface battue des vents, qui garde longtemps