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cessent de suivre entre elles ce cours presque parallèle qui est le mode normal de ruissellement sur un talus incliné. Dès ce moment aussi cesse le type de Plaine ou Plateau, qui caractérisait jusqu'alors la région lorraine. Il fait place à un type différent, de dessin plus ferme, d'architecture plus soutenue : au plateau succède un pays de coteaux et de terrasses. La combinaison de ces deux formes constitue la Lorraine : le tout dans un espace restreint. C'est un ensemble qu'il est aisé d'embrasser d'un coup d'œil. Que ce soit de quelque cime des Vosges, ou de quelque belvédère situé le long de la côte oolithique, le regard, prévenu de ces contrastes, les retrouve, les compare, va de l'un à l'autre. Des raides coteaux qui enserrent à demi Nancy, on voit lentement s'élever vers l'Est les lignes assez tristes qui marquent la pente ascensionnelle du plateau. Ou bien il faut monter sur la colline si nettement détachée, si naturellement dominante que les hommes en ont fait de bonne heure une forteresse et un temple. Le coteau de Sion-Vaudémont est un excellent observatoire naturel. A l'Ouest les lignes sombres et plates de forêts s'enfoncent à l'horizon ; à l'Est se déroule, dans sa gravité, la terre lorraine. Ni bois, ni prairies ne manquent, mais ce qui domine, ce qui revient toujours entre les villages disposés en échiquiers, c'est le champ de labour, c'est-à-dire le sol nourricier dont s'est formé un peuple.

IV PLATEAU LORRAIN

Il y a dans le plateau même autant de nuances et de variétés que de zones de terrain. Avec la nature du sol changent la forme des vallées, l'aspect topographique, les cultures. Aux calcaires d'époque triasique correspondent ces campagnes pierreuses d'où les céréales ont presque éliminé les bois. Puis, la topographie se mamelonné davantage. Une glaise blanche, veinée de rouge, apparaît dans les fossés ou les tranchées. Dans les champs, de puissants attelages de chevaux ont peine à remuer cette terre gluante. Les eaux ont largement affouillé ces « marnes irisées » ; c'est à leurs dépens que se sont étendues les alluvions siliceuses dont le sol gris et spongieux porte les forêts plates à l'Est de Lunéville. Plus bas, les grands courants ont hésité devant la digue que leur opposaient les calcaires qui constituent l'étage inférieur du lias. Ce premier obstacle ne devait pas réussir à les arrêter; mais l'indécision du lit, les ramifications des rivières, l'effacement momentané des vallées montrent les difficultés qu'en ce passage a rencontrées leur écoulement. La Meurthe à Rosières-aux-Salines, la Seille en amont de Château-Salins, se traînent à la surface du plateau. Des étangs parsèment la région déprimée où se forme la Seille.

V LE SAULNOIS

C'est là qu'affleurent les puissantes couches de sel qui se déposèrent par évaporation dans les lagunes des mers d'âge triasique. Quelle est au juste leur étendue ? On l'ignore. Mais on sait que de temps immémorial les hommes exploitèrent les ressources de ce pays à sel. On a relevé des traces d'établissements anciens