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Strabon est interpréte d’observations inspirées déjà par plusieurs siècles d’expérience commerciale, lorsqu’il vante « la correspondance qui s’y montre sous le rapport des fleuves et de la mer, de la mer intérieure et de l’Océan. »[1]. Ces fleuves sont des auxiliaires qui facilitent les relations entre les mers ; cette correspondance, si rare en effet autour de la Méditerranée, et qui se rencontre ici, lui suggère l’idée d’un organisme composé à souhait, « comme en vertu d’une prévision intelligente ». La phrase est justement célèbre ; il se mêle une sorte de solennité dans ce premier horoscope tiré de notre pays. En réalité les premières observations de la science grecque, inspirées par une connaissance très sommaire de la contrée et très imparfaite du reste de l’Europe, ne pouvaient être qu’un pressentiment. Il est significatif cependant que déjà quelques-uns des mots les plus justes et les plus fortement frappés aient été dits sur notre pays.


IV TRAITS GÉNÉRAUX DE STRUCTURE

Sur le sol français se juxtaposent deux zones distinctes par leur évolution géologique et par leur aspect actuel. Il faut, pour expliquer ces différences, rappeler brièvement les résultats auxquels sont arrivés les géologues sur la structure de l’Europe Occidentale. Cette région a été remaniée à deux reprises par des contractions de l’écorce terrestre. D’abord, à la fin de la période primaire[2] se dressa une puissante chaîne, dont on a pu reconnaître l’unité en raccordant entre eux les plis de la Bohème, du Harz, de l’Ardenne, des Vosges, du Massif central, de la Bretagne et du Sud-Ouest de l’Angleterre. Il semble qu’ensuite, pendant de longues périodes, les forces internes soient restées en repos. Vers le milieu de la période tertiaire, elles se réveillèrent ; et c’est alors que de nouvelles contractions produisirent les plissements des Pyrénées, des Alpes, des Apennins, etc. Ces derniers accidents affectèrent surtout la région voisine de la Méditerranée ; mais leur contre-coup se fit sentir sur la partie contiguë de l’Europe qui avait déjà subi jadis l’assaut des forces internes. Ici, toutefois, comme l’effort vint se heurter à des masses depuis longtemps consolidées et qu’un tassement prolongé avait rendu moins

  1. Strabon, IV, I, 14.
  2. On sait que les géologues distinguent dans l’histoire de la Terre plusieurs périodes, dont chacune fut très longue et se caractérise par des terrains de composition et de faune spéciales. Les voici par ordre d’ancienneté et avec leurs divisions principales, dont les noms pourront revenir dans le cours de cette étude :
    Terrains primitifs (gneiss et micaschistes) et terrains primaires (cambrien, silurien, dévonien, carbonifère, permien). — Les granits et les porphyres sont des roches éruptives qui se sont fait jour pendant l’époque primaire.
    Terrains secondaires (trias, jurassique, crétacé). Le jurassique a pour subdivisions principales le lias et l’oolithe.
    Terrains tertiaires (éocène, oligocène, miocène, pliocène).
    Terrains quaternaires (alluvions anciennes et modernes). Apparition de l’homme sur la terre. Les roches éruptives telles que le basalte, le trachyte, la phonolithe, se rapprochant des laves volcaniques, sont sorties du sol pendant les périodes miocène, pliocène et quaternaire.