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première fois une dépression, sous forme de bras de mer[1], s’allonger à la place qu’occupe aujourd’hui la plaine rhénane. A mesure que la dépression s’enfonce, les bords se relèvent. Du côté où les Vosges et la Forêt-Noire, chaînes jumelles, se regardent, des fractures ou failles découpent leurs bords ; des pans entiers de roches, entraînés le long de ces fractures, s’appuient aux chaînes restées debout. Du côté opposé, des accidents semblables se sont produits, mais plus locaux, moins pressés, sans la continuité qu’affectent sur l’autre versant les longues dislocations qu’on peut suivre. La Lorraine vers l’Ouest, la Souabe et la Franconie de l’autre côté sont des plateaux inclinés en sens inverse : la plaine rhénane est le résultat final d’une lézarde qui s’est peu à peu agrandie.

Tel est, sommairement, l’enchaînement de faits qu’il est inutile de poursuivre ici en détail. Il présente un ensemble lié. Une conception générale doit présider à l’étude des divers éléments du groupe. On ne peut faire complètement abstraction, même quand on borne son étude à une partie, des autres parties qui lui correspondent.


II DIFFÉRENCES AVEC LE BASSIN PARISIEN

Mais les ressemblances, dans la région rhénane, ne vont pas au delà des traits généraux de structure. Entre les diverses contrées de ce groupe naturel il y a symétrie, correspondance incontestable, mais non centralisation.

C’est en cela que consiste la grande différence entre cette région et le Bassin parisien. Dans celui-ci, malgré les nuances qui diversifient le climat et le sol, malgré les infidélités commises par quelques fleuves ou rivières au réseau fluvial, les influences générales dominent, les particularités se subordonnent à l’ensemble, tout conspire à créer une vie commune, qui naît des conditions naturelles. C’est à l’épreuve des événements et des habitudes que chaque partie apprend qu’elle ne peut se désintéresser de l’ensemble. Les échanges, les relations liées à la vie agricole ou aux industries locales sont autant d’influences familières et constantes qui entretiennent le sentiment de vie commune.

La région rhénane, telle que nous l’avons délimitée, n’embrasse pas une plus grande étendue que le Bassin parisien ; tout au contraire[2]. Mais les unités secondaires y conservent bien plus de relief et de vigueur. L’hydrographie, le climat, pour ne citer que les agents de diversité les plus puissants, introduisent des différences marquées. L’enfoncement, probablement encore persistant, de la plaine rhénane, a créé un réseau particulier de rivières qui gagnent directement le Rhin. Les rivières nées au contraire sur les plateaux lorrain et souabe obéissent dans une bonne partie de leur cours à des pentes

  1. Époque oligocène.
  2. Lorraine, Vosges, Plaine du Rhin = 34 000 kmq. environ; Forêt-Noire, Souabe et Franconie = 39 000 kmq. En tout, 73 000 kmq.