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particulier, qui est pour beaucoup dans l’originalité de la Touraine. C’est une roche micacée, d’une remarquable finesse de grain, assez tendre pour se laisser entailler, assez dure pour former des escarpements. Elle met dans le paysage une note caractéristique. C’est un peu au-dessous de Blois que ces blanches parois font leur apparition. Sur le Loir on les salue vers Vendôme. À Saint-Aignan elles encadrent l’ample vallée du Cher. À Palluau elles se dessinent en saillie au-dessus de la plaine que l’Indre a déblayée dans les sables. Partout l’œil les accueille avec plaisir, sinon pour leurs formes qui restent un peu monotones, du moins pour l’éclat dont elles brillent au soleil, pour la végétation fine et touffue qui se loge dans leurs interstices, garnit leurs bases, parfois trempe et flotte à leur pied sur les eaux d’une rivière limpide.

Il est rare qu’on ne puisse distinguer dans une contrée une zone qu’animent plus particulièrement la présence et l’activité de l’homme. En Touraine, et dans les parties limitrophes de l’Anjou et du Poitou, c’est manifestement la craie qui est la zone de prédilection, celle qui trace la ligne de cristallisation des établissements humains. C’est à l’abri de ces roches, sur leurs rampes ou leurs talus que les hommes se sont accoutumés à leur occupation favorite, la culture des vignes et des arbres fruitiers. Ces roches sont des espaliers naturels ; et surtout quand elles regardent le Sud, leur sécheresse est assez grande pour que des êtres humains puissent impunément y élire domicile. Les parages de Troô et des Roches sur le Loir, de Youvray près de Tours, de Bléré sur le Cher, méritent, entre beaucoup d’autres, d’être célèbres comme survivance d’habitations troglodytiques. Souvent une sorte de coquetterie se fait jour dans la taille de ces excavations, dans la disposition des treilles ou des clématites qui les garnissent. Quand l’habitat humain s’est détaché de la roche, il ne s’en est guère écarté. Presque toutes les villes et la plupart des bourgs importants de la Touraine se serrent le long de ces rampes crayeuses. De Montsoreau à Saumur, les bourgs s’allongent ainsi en file presque ininterrompue. Parfois au-dessus du troupeau des blanches maisons, un château ou une ruine se dresse. À cheval entre la vallée et les plateaux forestiers, il surveille l’horizon ; c’est lui qu’on aperçoit de loin, à Amboise, comme à Lavardin sur le Loir, à Saint-Aignan sur le Cher, à Loches ou Chinon. Une autre vie commence au delà, sur les landes ou dans les forêts giboyeuses.

Mais la vallée elle-même est souvent assez ample pour développer une vie propre. C’est le cas au confluent du Cher, et surtout à celui de la Vienne. Les alluvions combinées du Cher et de la Loire ont formé en amont et en aval de Tours le pays des Varennes par excellence. Ces sables gras sont d’une fertilité merveilleuse, à condition d’assainir, drainer, endiguer le sol de la vallée : ce fut une œuvre progressive et longue. Le même travail s’accomplit dans la magnifique vallée, longue de 70 kilomètres et large de 14, qui succède au confluent de la Vienne. Là aussi, il fallut conquérir les varennes sur les eaux, marais, bras morts, boires ou ramifications des rivières. Peu à peu