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Orléans seulement elle tourne au Sud-Ouest, et le divorce avec la Seine est opéré.

Vers le sommet de la courbe qu’elle décrit ainsi vers le Nord s’étend une dépression, largement entaillée dans le calcaire de Beauce. Le fleuve y perd temporairement une partie de ses eaux, car ces calcaires sont très fissurés. Il ne les retrouve que peu à peu ; avec le Loiret seulement, la plus belle de ces dérivations souterraines, la restitution est complète. Cette partie septentrionale du cours de la Loire forme ce qu’on appelle le Val d’Orléans, véritable unité géographique d’environ 15 000 hectares.


II. — VAL D’ORLÉANS

LE FLEUVE, dès Briare, est attiré vers la dépression ; mais c’est plus bas, au-dessous de Gien, vers Sully, qu’il s’y engage. Sept kilomètres séparent alors les deux bords de la vallée ; les molles croupes de Sologne d’un côté, et, de l’autre, les terrasses de sable rougeâtre de la forêt d’Orléans s’écartent : dans ce cadre agrandi, la Loire dessine de larges courbes entre les digues ou turcies qui l’enserrent. Partout l’alluvion vaseuse qu’elle a déposée, la laye bienfaisante, s’étend. Quelques phs marécageux subsistent encore au pied des coteaux du front septentrional : ils sont rares, Depuis longtemps la culture a pris possession de ces alluvions, et les a victorieusement disputées aux crues. Les vignes et les vergers garnissent les rampes du Val ; plus on avance vers Orléans, plus ils envahissent le Val lui-même; ils s’y mêlent alors aux parcs et aux grands bouquets d’arbres qui répandent sur le pays un aspect d’élégance seigneuriale. Mais en amont, c’est plus humblement, par des champs de labour, que s’annonce le Val. La glèbe luisante et onctueuse donne le secret de l’abondance précoce qui y attira des populations, créa un foyer de travail humain, fixa un centre historique.

C’était entre les régions ingrates qui couvrent le fleuve au Nord et au Sud, comme une oasis de fertilité. Ce val parmi ceux qu’arrose la Loire, semble la contrée qui fut le plus tôt aménagée, purgée de marécages, dépouillée de bois, protégée contre les reprises du fleuve. Aujourd’hui, une foule de petites maisons qui ont dû se contenter des matériaux, cailloux ou briques, fournis par le sol, garnit l’intervalle entre les nombreux villages. Mais dans ceux-ci des vestiges d’art roman subsistent de toutes parts. La masse découronnée de l’église de Saint-Benoît, en belle pierre de Nevers, domine, écrase presque champs, maisons et villages. Bâtie sur l’emplacement d’un établissement romain, l’église bénédictine de l’ancienne abbaye de Fleury évoque les grandes écoles carolingiennes, l’ancienne richesse et la fleur de civilisation née en pleine barbarie grâce à cette richesse. Le vieux Capétien qui dort sous les dalles du chœur[1] témoigne à sa façon que, pen-

  1. Philippe Ier