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quelque chose d’archaïque ou plutôt d’un peu vieillot, qui se dégage comme une impression d’ensemble du pays et de ses habitants.

L’aspect général du pays est donc difficile à définir : pourtant, dans ce curieux mélange, c’est l’abondance d’arbres qui domine. Tel est bien le trait que semble avoir saisi l’instinct populaire. Le nom de Boischot (de boschetum), synonyme de Bocage, est le signalement le plus caractéristique qu’on en puisse donner. Comme toujours le langage a saisi ces distinctions.


III POSITION ET AFFINITÉS DU BERRY

Dans ces traînées de sables granitiques qui forment des brennes et des brandes aux principaux débouchés de rivières, dans ce modelé puissamment fouillé par les eaux, s’exprime la dépendance de la contrée envers le Massif central. Partout se multiplient les signes de transition. De quelque côté qu’on se tourne, tout indique indécision et mélange. Le Massif lui-même s’atténue vers le Nord, il expire souvent par une pente insensible. Les noms historiques de marche limousine, marche poitevine expriment l’effacement de limites. La Sologne se répète dans le pays d’étangs et de bois qui s’étend entre la Loire et l’Allier.

Seul, parmi ces pays d’affinités incertaines, le Berry a son assiette naturelle, son caractère régional marqué. Mais il a beau occuper une position géométriquement centrale par rapport à l’ensemble de la France, il marque la fin, et non le centre d’une région. A peine sortis du Massif central, l’Indre et le Cher dévient vers l’Ouest : le Berry penche avec eux vers la Touraine et le Poitou, Bourges, Tours et même Poitiers sont plus naturellement liés ensemble que Bourges et Orléans. Du côté du Nord, le Berry s’est trouvé séparé de la Loire par des contrées boisées, de circulation difficile, Sancerrois et surtout Sologne. Ce n’est que partiellement et par un seul côté qu’il touche à la Loire. C’est au contraire avec l’Ouest que l’unissent les relations, les anciens pèlerinages, les affinités de dialectes[1], probablement aussi les affinités ethniques. Il est le vestibule de cette région où les monuments mégalithiques, dolmens ou menhirs, vont se multiplier.

Historiquement c’est entre la Bourgogne et l’Aquitaine qu’il a servi de passage[2] ; les plus anciennes voies sont celles qui, profitant des plates-formes calcaires, le traversaient en diagonale de l’Ouest-Nord-Ouest à l’Est-Sud-Est. Par là son rôle n’a pas été insignifiant : mais il a été autre que celui qui semble résulter de sa position géométrique. A mesure que d’autres courants ont prévalu, le Berry s’est trouvé relégué sur une voie de traverse ; il a cessé d’occuper une des voies principales. Cet isolement relatif a nui à son déve-

  1. Sur les dialectes, voir Hipp. Fr. Jaubert, Glossaire du centre de la France, 1864. 2° édit. et 1869 (supplém.).
  2. La présence d’une colonie des Bituriges Cubi à Bordeaux est l’expression de ces anciens rapports. — Pour les routes qui se reliaient à Bourges, voir la carte du réseau des voies romaines, qui est inséré à la fin de cet ouvrage.