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misérables locatures isolées entre les fondrières impraticables qu’on appelait des sentiers. Tant qu’on n’a pu apporter à ce sol ingrat ce qui lui manque, chaux et acide phosphorique, la Sologne a été misérable ; c’était encore, au milieu du XIXe siècle, presque un désert (24 habitants par kilomètre carré).


III. — BERRY

LE SANCERROIS et la Sologne contribuent à isoler du Val de Loire le Berry. Les destinées du Berry se sont développées entre des pays de brandes, bois ou bocages qui l’enserrent au Nord et au Sud. Il correspond physiquement à la série des Champagnes qui se déroulent autour de Bourges, Issoudun, Châteauroux, en connexion avec celles de la Bourgogne d’une part, du Poitou de l’autre. Ce sont les plateaux de calcaires jurassiques, par lesquels s’achève au Sud-Ouest l’arc concentrique qu’ils décrivent. La contrée rentre ainsi dans l’ordonnance générale du Bassin.


I BERRY CALCAIRE

Dans les intervalles que les rivières, rares, mais pures et herbeuses, laissent entre elles, des plateaux secs à pierrailles blanches s’étendent, assez solitaires. Les substances fertilisantes ne manquent pas, et quand ce sol est recouvert d’une couche de limon, il donne des terres fromentales, où de temps immémorial alternent moissons et jachères, champs de blé et pâtures à moutons. Ainsi s’est fixé un mode d’existence fidèlement suivi de génération en génération. Autrefois, le fer était partout à la surface, sous forme de petits grains, dans les sables ; en peu de pays on trouve autant de vestiges d’anciennes ferrières. C’est une contrée dont les ressources étaient faciles à mettre en œuvre, mais sujettes à s’épuiser, d’ailleurs limitées, et insuffisantes pour permettre un degré élevé de densité de population. Souvent le limon fait défaut ; et alors, sporadiquement, reparaît la forêt. La vie urbaine est restée médiocre en Berry. Les sites où elle s’est fixée paraissent rentrer dans deux types différents. Quelques villes ont utilisé les positions défensives formées par escarpements au contact des roches différentes : ainsi Châteauneuf-sur-Cher, Dun-le-Roi. D’autres ont recherché les sites où les plates-formes s’inclinent doucement vers des rivières coulant presque à plein bord. Cinq rivières se rencontrent au pied de la légère éminence que surmonte la cathédrale de Bourges, et l’enlacent presque de leurs marécages et de leurs bras morts.

Ces rivières sont belles et claires. En entrant dans les plateaux calcaires elles ont modifié leur physionomie. Le Cher s’épure au delà de Saint-Amand, après avoir laissé sur sa droite, sans se laisser entraîner par elle, la large rainure que l’érosion a entaillée dans les marnes du lias, comme pour tracer d’avance dans ce fossé, où les eaux abondent, le lit du canal entre le