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siastique, puis de gouvernement militaire, de département aujourd’hui. Elle résulte moins du fleuve que d’une différence de structure et de genre de vie entre les pays de la rive gauche et ceux de la rive droite. Ceux-ci ont été, comme le Morvan auquel ils confinent, fractures par des dislocations répétées. Au lieu de se dérouler en zones régulièrement concentriques, la contrée se fractionne en bandes étroites, séparées par des failles et orientées du Sud au Nord. Successivement de l’Est à l’Ouest on passe des argiles du lias, sur lesquelles s’étalent les prés d’embauché du Bazois, au petit massif granitique, injecté de porphyres et couvert de bois, du canton de Saint-Saulge, brusque réapparition du Morvan ; puis enfin aux affleurements primaires que signale la houille au Nord de Decize. Plus loin, vers l’Ouest, les argiles reparaissent dans le pays des Amognes ; mais bientôt les calcaires jurassiques ramènent les vallées à fond plat, avec les carrières de pierres, les lignes de sources et les profils réguliers des coteaux. L’un d’eux s’avance comme un promontoire que, du Sud, on aperçoit de fort loin dominant la plaine élargie de la Loire. Là seulement le Nivernais trouva un centre, un point de cristallisation politique.

Nevers est une de ces primitives étapes de batellerie qui, comme Decize, jalonnaient le cours de la Loire ; mais, plus favorisée que cette bourgade insulaire, elle avait à sa portée des éléments de progrès : mines de fer, belle pierre, eaux thermales, et le confluent d’une de ces petites rivières abondantes et limpides, comme en fournit le calcaire jurassique, mais dont le sort est souvent d’achever leur cours entre les ruelles d’un faubourg industriel. Cette petite capitale donne à la région une apparence d’unité. Mais en réalité cette région, restée une des plus forestières de France, reproduit dans sa population, où se rencontrent des bûcherons, des mineurs, des éleveurs, des vignerons, les contrastes de son sol hétérogène. Entre la Bourgogne et le Berry, elle est à part. Sa structure heurtée interrompt la continuité des relations naturelles sur la périphérie du bassin.


I PASSAGE DE BOURGOGNE EN BERRY

Au Nord seulement le pays se découvre. Les calcaires coralligènes que l’Yonne a traversés de Clamecy à Cravant prolongent jusqu’à la Loire leurs sèches plates-formes, dominéEs par le roc historique de Donzy. Une zone, étroite il est vrai, mais où la circulation est facile, succède aux lignes de forêts et de rivières qui, au Sud, faisaient obstacle. Là se trouve, depuis les temps préhistoriques, le point de jonction entre l’Est et le Sud du Bassin parisien, les Edues et les Bituriges, la Bourgogne et le Berry.

Le vieux bourg celtique de Condate, aujourd’hui Cosne, marque un des plus anciens passages de la Loire[1]. Entre le Nivernais et le pays bocager qu’engendrent au Nord les sables et les argiles de la Puisaye, les abords du

  1. Chemin dit de Jacques Cœur, ancienne voie de Cosne à Bourges.