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proportion de terrains perméables qu’elle traverse, la Seine ne connaît pas les brusques palpitations qui font monter et descendre de 11 mètres la Garonne en moins de 10 jours. Elle met des semaines à accomplir de bien moindres oscillations. C’est surtout en décembre et en mars, parfois un peu plus tard, que des crues se produisent à Paris. Il y a même, de loin eu loin, comme en février 1658, en décembre 1740, des inondations mémorables, dont les ravages pouvaient être grands, avec l’encombrement de moulins, de ponts à arches étroites qui resserraient le fleuve. Rien pourtant de comparable aux furies de la Loire ou du Rhône. Ainsi, à Paris, le fleuve a acquis toute sa force ; il n’est plus menacé de maigres excessifs ; jamais il ne descend aussi bas que la Loire à Orléans ou la Garonne à Toulouse. Sans être inoffensif, il est disciplinable. L’Oise l’accroît, mais ne change pas son régime. La Seine à Paris peut être considérée comme achevée.

La station des Nautœ Parisiaci n’était qu’une étape de batellerie ; elle devint un entrepôt grâce à la variété de produits que recèle l’intérieur du Bassin. Pour toute la région qui s’étend depuis Clamecy, Auxerre, Troyes, Arcis-sur-Aube, Saint-Dizier, il n’y avait de communication avec la mer que par l’intermédiaire de Paris. Pour l’échange des vins et des bois de Bourgogne contre les sels, les laines, les poissons fumés de Normandie, la position géographique désignait Paris. C’est l’étendue des entreprises fluviales qui créa là un centre d’abbayes florissantes, et plus tard la grande association de la Marchandise de l’eau. A mesure que la population s’y accumula, un groupe de satellites gravita aux alentours. Il y eut les étapes d’où l’on pilotait vers Paris, et celles vers lesquelles on « avalait » de la capitale : Meaux et Lagny, Melun et Corbeil, Creil et Pontoise, Poissy et Mantes. C’étaient les ports dont dépendait son approvisionnement, et d’où, comme on le vit en mainte occasion, « l’on pouvait faire faire une diète à ceux de Paris ».


III RELATIONS PAR TERRE

Les relations terrestres, sans être aussi décisives, présentaient aussi des avantages. L’île parisienne offrait un passage facile pour gagner le Sud. Elle est immédiatement dominée par le plateau calcaire dont l’obstacle a fait dévier la Bièvre vers le Nord, et qui s’avance, comme une chaussée naturelle, vers la direction d’Orléans. L’annexion de longs faubourgs, coupant la Seine à angle droit au Nord comme au Sud, est un des premiers linéaments qui se dessinent dans la topographie de la ville grandissante. C’est qu’au Nord, entre les buttes Chaumont et Montmartre, en face environ de la Cité, il existe une lacune dans l’amphithéâtre de coteaux. Par une sorte de dépression, large d’environ 2 800 mètres, on accède directement vers la plaine Saint-Denis et les plateaux agricoles qui lui font suite de plain-pied. Aucun obstacle ne s’oppose de ce côté aux communications avec le Valois et le Soissonnais. Ce fut de tout temps un point commercial. Là aboutissait la