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se déroule en longues barres brunies par les arbres, qui semblent enclore l’horizon ; ou, comme à Montlhéry, il se projette en promontoire sur la plaine. Auprès de Fontainebleau et de Rambouillet, les eaux s’infiltrent sous la surface; mais au Sud de Paris, le prolongement des calcaires imperméables de Brie sert de support et retient les eaux à proximité du sol. La formation de vallées s’est donc accomplie aisément à travers les sables friables jusqu’à la rencontre des couches consistantes. Ainsi la Bièvre, l’Orge et l’Yvette ont pu ciseler un petit pays de vallons ramifiés, qui est une exception remarquable, unique même dans la région parisienne.

Que ce soient les sables ou les grès qui forment les parois de ces vallées, qu’elles s’évasent en hémicycles ou se resserrent entre deux raides talus boisés, leur fond se creuse jusqu’aux couches qui ramènent, avec l’eau, des étangs, des marais, des prairies. L’eau, filtrée par les sables, court très pure. On voit, comme en un pli du sol, se constituer un petit monde restreint, entre bois et prairies. La verdure sombre des pins donne quelque austérité à ces petits paysages. Là haut, bien à part, sont les campagnes, les pays occupés et exploités de temps immémorial. On comprend que ces vallons humides et retirés aient servi d’asile à des abbayes, avant d’être recherchés par la vie de châteaux et de villégiature ; Gif, Cernay, Port-Royal étaient ici à leur place.

Mais ces vallées à versants de sable et à fonds noyés offraient peu de ressources. La pauvreté de la vie rurale s’y trahit encore, en dépit de la villégiature moderne, par la mesquinerie chétive des habitations. Les villages serrés au pied des pentes n’ont de place qu’aux confluents des vallées. Rien de semblable à l’aspect opulent des villages du calcaire parisien, ni à ce développement varié qui permet à la population de s’étager sur les flancs des vallées. Les monuments caractéristiques du passé sont, avec les abbayes, des ruines féodales debout à la lisière des bois, dominant les passages, surveillant les horizons, évoquant je ne sais quel passé d’inquiétude et de brigandage.