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par oublier qu’il y eut là jadis des marches forestières sauvages, d’abord et de pénétration difficiles.

Cette bande de forêts, chère aux Mérovingiens, n’est qu’une partie de la lisière qui se déroule au Nord de Senlis par la forêt d’Halatte, et de là se rapproche du massif de Compiègne. Mais la largeur de cette bande est limitée : à l’Est d’Ermenonville, comme à l’Est de Senlis ou de Pierrefonds, on ne tarde pas à voir se reconstituer la plaine limoneuse et fertile, aussi chargée de moissons que dépourvue d’arbres. On retrouve les paysages du Soissonnais et du Valois. Les sables, les couches marneuses ont disparu de la surface, ou ne s’y montrent que par lambeaux.


II ANCIENNES FRONTIÈRES POLITIQUES

La région que nous venons de décrire, avec ses lignes de sources, d’étangs et de marais, ses forêts humides et ses forêts sur le sable, fut une ancienne limite de peuples. Le pays appelé France y confine au pays appelé Valois[1]; mais en réalité cette distinction, encore vivante dans le langage populaire, en cache une autre plus ancienne et plus profonde. Il y a là une sorte de joint géographique, qu’une longue communauté d'histoire n’a pas entièrement aboli. Cette ville de Senlis, presque environnée par des forêts et des eaux et communiquant vers l’Est seulement de plain-pied avec le plateau agricole du Valois, occupe un de ces sites stratégiques tels que César en décrit chez les Nerviens. Le petit peuple qui s’y était cantonné se rattachait aux confédérations du Belgium, comme plus tard il est resté incorporé à la province ecclésiastique de Reims. Senlis encore aujourd’hui se dit Picarde. C’était un autre groupe de peuples gaulois, d’autres rapports et peut-être d’autres usages qui commençaient avec la plaine fertile qui, au Sud de Dammartin, s’incline vers la vallée de la Seine. La Celtique succédait ici au Belgium ; et ces différences ethnographiques, consacrées plus tard dans les divisions romaines, correspondaient à des distinctions géographiques que l’analyse permet encore fort bien de découvrir.


III.- VEXIN

L’OISE s’encaisse à Beaumont dans la zone calcaire qui lie le Vexin à l’Ile-de-France. Elle a reçu la plupart de ses affluents ; elle a déposé la plus grande partie de ses alluvions : il ne reste plus à la rivière picarde qu’à

  1. Nous ne pouvons que renvoyer, sur la signification de ce nom de France, appliquée à la région du diocèse de Paris située au Nord de la Seine, au mémoire de M. Longnon (Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. I, 1875). — Nous nous bornerons ici à faire ressortir la persistance de cette distinction de limites dans le langage populaire (par exemple vent de France, Le Bourget en France, etc.) ; vivant indice des réalités géographiques sur lesquelles elle s’appuie.