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tranchés où l’une des formations prend la domination exclusive. Nous sommes ainsi prépares à comprendre tout ce que contient d’éléments de variété, et par conséquent de principe interne de mouvements et d’échanges la région qui nous occupe.

II ANCIENS COURANTS DILUVIENS

Ce n’est pas aux rivières actuelles, mais à des courants incontestablement plus violents dans leur régime et moins définis dans leur cours qu’on peut attribuer les dénudations dont le Bassin parisien porte les traces. Ces courants ont préexisté à l’établissement du réseau fluvial. Ils le surpassaient, non seulement en force, mais par l’étendue du domaine qu’ils embrassaient. Parmi les débris de roches dont ils ont jonché le sol, il en est qui proviennent d’au delà des limites actuelles du Bassin de la Seine. Le Massif central a fourni son contingent aux traînées de sables de certains environs de Paris. Si l’esprit est tenté d’hésiter devant l’intensité d’action que supposent les effets produits, il faut considérer que ces courants tiraient leur origine de montagnes moins démantelées qu’aujourd’hui et par conséquent plus hautes. Ils furent certainement aussi en corrélation avec des mouvements orogéniques. On ne peut guère attribuer qu’au relèvement récent du bord méridional de l’Ardenne l’action torrentielle qui a arasé la partie septentrionale de la Champagne, au point de n’y laisser que le tuf crayeux, tandis que plus loin vers Sens, Joigny et Montereau, des lambeaux tertiaires ont, au contraire, subsisté à la surface. Ces conditions, combinées avec le fait incontestable d’un climat plus humide, nous rapprochent sans doute de la conception de tels phénomènes. Il reste enfin la durée, non moins nécessaire que l’intensité pour en mesurer la grandeur.


III LES RIVIÈRES ACTUELLES

Cela semble presque une dissonance de comparer le réseau fluvial actuel à ces courants diluviens. Certes, il ne RIVIÈRES rappelle que de bien loin ses violents ancêtres par son régime et ses allures. D’abord il a subi un démembrement notable. Des accidents récents, sur lesquels nous aurons à revenir, ont détourné la Loire, héritière des grands courants que le Massif central poussa jadis vers le Nord, delà voie que semblait lui tracer l’inclinaison des couches. Il est impossible de ne pas reconnaître toutefois que les directions générales des courants diluviens ont guidé les directions de la plupart des rivières actuelles. Le centre d’attraction vers lequel ces masses d’eau se sont portées du Nord, de l’Est et du Sud-Est, est bien encore celui vers lequel converge avec une régularité frappante le réseau fluvial. Les rivières principales ont tracé indifféremment leur lit à travers les formations diverses, dures ou tendres, qu’elles rencontraient. Elles sont restées fidèles à la pente géologique et, pour emprunter l’expression aujourd’hui consacrée, conséquentes par rapport à l’inclinaison générale des couches.