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trique, tantôt des crêtes ou des croupes, tantôt des sillons qui, les uns et les autres, mettent à jour des roches de plus en plus récentes[1].

L’action mécanique des courants est manifeste sur la formation de ces cannelures du relief. Les eaux ont affouillé les parties tendres, et mis en relief les formations les plus dures. Les roches dures ont engendré ce que les savants ont appelé d’un mot, d’ailleurs expressif et juste, des montagnes de circumdénudation, ce que le peuple appelle des côtes, des monts. Devant ces barres de résistance les eaux courantes, arrêtées ou forcées de dévier, ont pratiqué des dépressions qui, par leur rapprochement ou leur réunion, esquissent des vallées. C’est ainsi qu’une sorte de rainure, remarquée par le langage populaire, se déroule en arc de cercle depuis l’Armançon à Nuits-sous-Ravières jusqu’à la Meuse à Neufchâteau. C’est la Vallée, par opposition à ce que les gens du pays appellent tout court la Montagne et les savants le plateau de Langres. Elle est, il est vrai, traversée, et non suivie par les rivières ; mais le dessin en est resté assez net et la direction assez soutenue pour que des voies romaines, des routes, un chemin de fer y aient tour à tour été établis.

L’apparition successive de terrains s’enfonçant en commun vers le centre parisien a donc fourni au travail des eaux les matériaux différents qu’il a sculptés à sa guise. Ce n’est là toutefois qu’une partie des phénomènes dont témoigne l’aspect du sol. Les limites actuelles des divers terrains sont loin en réalité de représenter les anciennes lignes de rivages tour à tour occupées par les mers des périodes jurassiques, crétacées et tertiaires. Le relief du bassin est le résultat d’un démantèlement d’ensemble qui n’a laissé subsister que les masses les plus résistantes et comme le noyau des anciennes formations. En avant de ce qui subsiste, l’existence de lambeaux plus ou moins importants est là pour témoigner de l’extension plus grande qu’elles ont eue autrefois. Partout, sur le front d’attaque des courants, des témoins isolés se montrent : tels sont, à l’est de l’Argonne, les monticules isolés de gaize qui dressent leur silhouette exotique sur le plateau calcaire : l’une d’elles a servi de site à la petite ville de Montfaucon. Tel est, surtout, entre Troyes et Joigny, en plein pays de craie, le curieux massif du pays d’Othe, qui se dresse, avec ses bois, comme un avant-coureur isolé de la région tertiaire, à la rencontre des courants venus du Sud-Est. Changements de formes, mais avec les changements de végétation et d’aspect qu’implique la différence des sols. La succession régulière des zones géologiques ne suffit donc pas à expliquer la variété des éléments du relief dans le Bassin parisien : il faut tenir compte du chevauchement de ces zones les unes sur les autres. Des lambeaux, dont plusieurs ont une véritable importance, introduisent comme des pays de transition entre les pays nettement

  1. La Carte de France dressée au Dépôt des fortifications (Orohydrographie), à l’échelle de 1 : 500 000 montre clairement l’ensemble des traits exposés dans ce chapitre : feuilles VI (Nancy), V (Paris), IX (Lyon).