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humain (Nanteuil). Découpées par de petits jardins maraîchers aux approches des villes, herbeuses ailleurs et couvertes de grands rideaux de peupliers, ces vallées offrent un lit fertile ; mais entre leurs versants raides et nus une vie variée n’a pas pu s’épanouir.


IV VALLÉES DU SOISSONNAIS

Les percées des rivières sont autrement importantes dans le Soissonnais et le pays de Laon. Celle de l’Aisne à Soissons, de la Vesle à partir de Fismes, de la Lette au pied de Coucy, sont de spacieuses vallées auprès desquelles paraissent mesquines les vallées mêmes de la Marne et de la Seine en amont de Paris. Le travail des eaux, favorisé ici par la nature des couches, est arrivé à un degré de ciselure qui partout festonne et rétrécit les plateaux. Il a été facile aux eaux de se tailler de larges passages à travers les sables et les argiles de l’étage inférieur de l'éocène. Aussi les plateaux, au Nord de l’Aisne, sont-ils de plus en plus découpés ; ils s’individualisent en petits massifs (Saint-Gobain), ou se réduisent à de simples buttes (Montagne de Laon). Entre eux les vallées, creusées dans les sables, ont adouci leurs flancs ; les éboulis des couches supérieures ont pu s’y maintenir et composer de leur mélange avec les sables ces fertiles terres franches où sont cultivés des fruits, des légumes, la vigne même dans les endroits abrités.

Ici, en effet, grâce aux découpures et aux articulations du sol, agit une autre cause de diversité, où le climat se combine avec le relief: c’est l’orientation. Déjà l’éloignement de la mer a diminué un peu la nébulosité, accru légèrement l’intensité des rayons solaires : aussi l’orientation prend-elle une valeur inconnue dans le modelé amorphe de la Picardie crayeuse. Les versants tournés vers l’Est et le Sud-Est sont particulièrement favorisés. Sur les flancs orientaux du Massif de Saint-Gobain, des monts voisins de Laon, des coteaux de Craonne se déroule une ceinture presque ininterrompue de villages, pratiquant sur un sol très morcelé les cultures les plus variées. Tandis que la grande culture règne sur les plateaux, là pullule cette population de petits cultivateurs, horticulteurs ou vignerons, qui est une des créations de nos coteaux. Car, à quelques différences près, on la retrouve sur les pentes orientales des côtes bourguignonnes ou lorraines. Plus loin, au delà de la Montagne de Reims, toute autre culture a disparu devant la vigne; mais les célèbres coteaux, assombris en été par la verdure glauque des ceps, qui s’étendent de Vertus à Aye et dont Epernay est le centre, sont strictement limités aussi à l’orientation Sud-Est.

Le lit des vallées est formé par le fond d’argile plastique qui retient les eaux et entretient une végétation épaisse et drue d’arbres et d’herbes. Les eaux que laissent filtrer les calcaires des plateaux et les sables des pentes, s’y rassemblent assez abondantes et assez irrégulières parfois pour nourrir des marécages, qu’il a fallu assécher en leur donnant un écoulement. On voit ainsi, au Sud de la Montagne de Laon, s’allonger, jusque vers Anizy-le-