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Picard, quel que soit sa signification, ne s’est jamais étendu aux habitants du pays au Sud de la Bresle : au contraire il s’appliquait et s’applique encore dans l’usage à ceux du Laonnais, du Soissonnais, du Valois[1]. Union significative, qui n’est pas fondée sur une conformité de sol, mais par un phénomène analogue à celui des Flandres, sur des rapports de position et de commerce. Ce groupement, cimenté déjà dans les divisions de l’ancienne Gaule, s’exprima plus tard par une dénomination plus ethnique que politique, la « nation picarde ». Il y eut là, en effet, un peuple. Il occupait la grande zone agricole qui s’étend le long de la Meuse et de la Sambre jusqu’aux pays de la Somme et de l’Oise. Il tenait les abords de la principale voie romaine. Il parlait des dialectes étroitement voisins. Ses mœurs, sa manière de vivre, son tempérament étaient analogues. Mille dictons rappellent, chez le Picard et le Wallon, un genre d’esprit qui n’existe pas chez le Brabançon ou le pur Flamand. Des contes ou proverbes devenus populaires dans la France entière ont une origine wallonne ou picarde. Ce peuple, demeuré roman, se détache devant le germanisme en physionomie tranchée. Il est fortement lui-même. Pour la France il fut la frontière vivante.

  1. Ce n’est que par Louis XI qu’ils ont été administrativement détachés de la Picardie, pour être adjugés au gouvernement de l’Ile-de-France.