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substances minérales et organiques de la craie s’est précipitée. Elle a formé en se combinant ces rognons dont les rangées régulières s’arrêtent aux assises plus dures qui leur ont servi de supports. Mais la masse dans son ensemble reste perméable : à la base seulement une couche marneuse arrête les infiltrations et produit des sources.

Pour être moins crûment visible qu’en Champagne, la craie n’est pas moins en Picardie la roche essentielle dont le caractère du pays dépend. Sa surface, quand on l’atteint sous le limon qui la recouvre, se montre rongée par des érosions ou des dissolvants chimiques. Elle est perforée, creusée de poches où se sont amassés des sables et des argiles. Ces sables étaient depuis longtemps exploités pour ciments ; on a reconnu de nos jours de précieux éléments de fertilité dans les grains de phosphate de chaux dont parfois ils se composent. Par endroits s’intercalent des bancs assez durs pour fournir des moellons de construction. Dès les temps les plus anciens on savait ramener la craie du sous-sol à la surface pour y servir d’amendement calcaire. Quant aux silex, après avoir livré des outils aux hommes de l’époque paléolithique, ils n’ont pas cessé d’être exploités : ils fournissent un empierrement aux routes, et aux maisons en torchis, supplantées aujourd’hui par la maison de briques, un soubassement solide, dont la bigarrure ne manquait pas de pittoresque.

Des transgressions marines ont recouvert, du moins en partie, ces nappes de craie ; et les dépôts qu’elles ont superposés restent encore reconnaissables par lambeaux. Ces transgressions se sont produites surtout par une porte de communication qui s’ouvrit plusieurs fois entre Douai et Mons, sur les confins du Hainaut et de la Flandre. A diverses reprises, pendant l’époque tertiaire, les mers du Nord pénétrèrent par là jusqu’au centre du Bassin parisien. Cet ancien détroit est encore un seuil bas : car lorsque des formes aussi arrêtées ont persisté jusque dans les âges voisins du nôtre, il est bien rare qu’elles s’effacent entièrement dans la topographie actuelle. C’est lui qui donne le plus directement accès entre la Flandre et la partie centrale du bassin. Sur ce passage des anciennes mers, où aujourd’hui les sources de l’Escaut et de la Somme se rapprochent, des plaques d’argile et de sables éocènes recouvrent la craie, associées à des couches de limon qui nulle part ne sont plus épaisses.


V ARGILES À SILEX

Toutefois, il y a de vastes surfaces, surtout quand on a dépassé vers l’Ouest l’Amiénois, où ces dépôts ont manqué ; en tout cas ils n’ont pas été abondants pour résister aux agents destructeurs. La superficie de la craie a subi alors une altération profonde. On voit dans la partie occidentale de l’auréole crétacée, dans le Vimeu, le Ponthieu, le Pays de Caux, affleurer une argile rouge qui contient de nombreux silex à divers états de décomposition. C’est le résidu de dissolution de la craie ; l’élément calcaire ayant disparu, il n’est