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d’hyperboliques enthousiasmes. Une couche d’argile, voisine par hasard du faîte, a fourni à Cassel l’approvisionnement d’eau nécessaire à une ville forte. Cassel fut ainsi un vieil oppidum vers lequel convergent les voies romaines (Steene Straete), et comme Tournai, une des clefs historiques du pays flamand.

Ailleurs c’est sous forme de larges croupes dominant d’une trentaine de mètres les dépressions fluviales, que se déroulent les parties échappées à l’érosion. Telle est, entre Tournai et Douai, la Pévèle, tant de fois foulée par les armées. Sur la convexité de ce dos de pays, le limon seul se montre à la surface, et au loin, dans l’horizon laiteux, s’estompent les meules de paille, les larges fermes et les grands arbres. Mais une frange sablonneuse dessine la périphérie ; on la devine au loin aux bouquets de pins ou aux touffes de genêts qui la garnissent. Jusque dans ces contrées si transformées par l’homme, subsistent ainsi quelques touches de nature libre, quelques débris des anciens bois. C’est presque toujours à la faveur des bandes de sables qui ont pu échapper aux puissantes actions diluviales.


VI DIVISIONS NATURELLES

Il y a encore une autre Flandre, celle des polders et des digues, la plus jeune par la géologie comme par l’histoire. Les Flamands de Cassel disent Noordland en parlant de la zone qui commence à Bergues et s’étend vers Furnes, Dunkerque, Gravelines. Et ceux de la zone maritime appellent Pays du bois le pays qui s’annonce par la berge assez raide d’une terrasse encore en partie boisée, bordée de villages. La distinction est, en effet, sensible.

L’une de ces zones est celle qui continue jusqu’à Calais la série des alluvions littorales qui frange le continent depuis le Jutland. La houle marine balayant le fond sableux de son lit range les débris dont elle se jaunit, en cordons de dunes derrière lesquelles se ralentissent ou s’arrêtent les eaux intérieures. Au moyen des alluvions déposées d’un côté par la mer, de l’autre par les eaux intérieures, l’homme construit ses polders, ses marschen, ses champs ou ses prairies cernées de fossés et bordées de saules. Mais c’est au piix d’un système compliqué et soigneusement entretenu d’écoulement, au moyen de canaux, fossés, watergands. Car aux dangers d’irruptions marines par quelque rupture du rideau protecteur s’ajoutent ceux des infiltrations. Sournoisement introduite à travers les sables que surmontent les alluvions, l’eau de mer ronge par le bas ces précieuses surfaces que les inondations menacent par le haut, puisqu’elles sont en partie inférieures au niveau des hautes marées. La Flandre maritime n’a échappé que tard à ces reprises de l'élément salé. Les irruptions de la mer qui se produisirent à la fin du m’ siècle de notre ère y ont fait disparaître presque toute trace d’occupation romaine. La population en a été renouvelée. Elle constitue ainsi un pays distinct, non seulement par le sol, mais par l’âge de sa civilisation. Sur la mer, tapis dans les dunes, se succèdent des villages de