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n’était, dit-il, « ne grec, ne latin » : c’était un potier, un « inventeur de rustiques figulines » ; mais il y avait chez cet artisan un philosophe et un artiste. Parmi les questions qui ont passionné la curiosité de Bernard Palissy, une de celles à laquelle il attacha le plus d’importance, c’est, suivant son expression, « la différence des terres et leurs divers effets ». — « Je ne l’ai pas connue », écrivait-il, « sans grands frais et labeurs ». On voit effectivement, d’après les exemples qui figurent dans ses traités spéciaux, que c’est par des enquêtes personnelles dans les contrées où il a résidé, c’est-à-dire en Saintonge, en Gascogne, en Poitou, dans l’Île-de-France, dans les Ardennes et le pays de la Meuse, qu’il a recueilli ses observations. Partout, ses voyages et ses séjours se traduisent par des remarques topiques, dans lesquelles le sentiment de la vie sert de guide à la divination de la vérité. En songeant à ses découvertes et aux conséquences pratiques dont il les savait grosses, l’infatigable chercheur regrettait, vers la fin de sa vie, de ne pouvoir les étendre à d’autres provinces. « Si mon estat », disait-il, « se pouvoit exercer en pérégrinant de part et d’autre, je pourrois donner plusieurs avertissements de ces choses, qui serviroient beaucoup à la République ».

« Je terminerai volontiers cette causerie sur ces mots de Bernard Palissy. Ils montrent quel prix ce grand homme attachait à l’observation directe, prise sur le vif et s’exerçant sur les lieux. Ce mode d’observation a aussi son emploi dans l’étude du passé. Peut-être, en considération de cette idée, me pardonnerez-vous, Messieurs, de vous avoir entraînés un peu longuement sur les grands et petits chemins de l’ancienne France. Comme tous ceux qui ont beaucoup vu, ces chemins ont beaucoup à raconter. Quelques-uns disent, à leur manière, notre histoire. Tous contribuent à nous représenter un aspect vivant du passé. »