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la garçonne

Ah ! si tu avais mon expérience, tu verrais qu’il peut y avoir des actions qui te paraissent aujourd’hui incompréhensibles, révoltantes même, et qui ont leurs circonstances atténuantes, leurs excuses, leur fatalité ! Allons, allons ! tout peut s’arranger encore, entre Lucien et toi.

— Renonce à cet espoir ! Il y a une chose que tu ne me feras jamais admettre : Le mensonge entre êtres qui s’aiment. Je n’ai jamais menti à Lucien. J’avais droit à la réciprocité.

Mme Lerbier sourit, avec supériorité.

— Le droit ! Le droit des femmes ! air connu… Tante Sylvestre, Mme Ambrat !… Mais, mon enfant, il y a des cas où le mensonge lui-même peut devenir un devoir. Ne me regarde donc pas comme cela ! Tu as tes yeux d’hier soir, tu me fais peur.

— Le mensonge, un devoir !

— Calme-toi !

— Non et non ! Le devoir, maman, c’est de dire la vérité. Et puisque je la dirai tout à l’heure à Lucien, autant que tu la saches, toi aussi ! Et tout de suite ! Rien ne peut plus s’arranger, rien, parce qu’hier soir, en te quittant, j’ai couché, tu entends, couché avec quelqu’un.

— Oh !

Cette fois la foudre était tombée. Mme Lerbier, sidérée, regardait sa fille en tremblant. Et soudain, hors d’elle, menaçante :

— Tu as fait ça ? Tu as fait ça ?

— Oui, et je le referais, si c’était à refaire !

— Petite imbécile ! c’est trop bête ! Et avec qui ?… Peut-on savoir ?

— Non.