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eut pu vomir partie au moins de ce qu’elle avait sur le cœur, puisque, de la fin de la soirée, elle s’était résolue à ne rien dire à sa mère, avant de s’être expliquée avec Lucien…

— Il est navré, il va venir, fut le premier mot que Mme Lerbier, en entrant dans sa chambre et en l’embrassant, prononça.

Elle avait, sitôt jour, téléphoné à Vigneret pour lui révéler les conséquences de son exploit. Elle avait aussi averti son mari à l’usine où M. Lerbier, — qui y avait une chambre avec rechange de vêtements, — s’était rendu directement, après le souper. Il avait poussé les hauts cris. Surtout que Monique n’envoyât rien promener ! Qu’elle attendit de l’avoir vu !

Mme Lerbier, soucieuse de l’avenir matériel, y pensait plus qu’au chagrin de sa fille.

— Comme tu te tourmentes, mignonne ! Il a tort, oui… Mais il paraît que cette femme a un caractère de chien ! Elle exigeait, pour se tenir tranquille, une somme énorme. Un vrai chantage ! D’où ce souper. Voilà au moins ce que Lucien m’a dit, en quelques mots, au téléphone. Il fallait transiger, la convaincre…

Monique secoua la tête.

— Non. Il fallait oser tout m’avouer, franchement, avant de…

Elle hésita. À quoi bon révéler intégralement l’étendue de son grief ? Jamais sa mère ne comprendrait à quel touchant mobile elle avait obéi, en se donnant à Lucien, avant le contre-seing social… Une imprudence, oui, mais dont seule elle avait à connaître, puisque seule elle était victime.

— Ne crois pas surtout que ce soit dans ma jalousie