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malentendu… Je ne sais pas, moi ! Attends une explication, ne te fais pas d’avance une idée peut-être disproportionnée… À ta place, je ne me tourmenterais pas autant !

Monique la regarda stupéfaite. Elle avait eu d’abord envie de crier, après ce qu’elle avait vu, ce qu’elle avait fait. Son désespoir et son dégoût s’étaient élancés vers la compréhension maternelle, avec le besoin d’être entendus… d’être plaints…

Mais, devant la compassion banale qu’elle lisait aux yeux qui lui étaient chers, devant le ton presque indulgent de cette voix dont elle attendait l’indignation comme un réconfort, elle eut le cœur aussi serré qu’à l’instant où elle sortait de la chambre de l’hôtel…

L’impression de solitude et d’abattement qui l’avait alors aplatie se doubla d’une autre douleur. Elle se sentait comme éloignée, à un point qu’elle n’eût pu croire, de cet être qui doucement lui souriait, qui était sa mère, et en qui, tout à l’heure encore, elle voyait la confidente et la consolatrice…

Enfin, reprit Mme Lerbier, étonnée du silence de sa fille, ce que Lucien a fait est très mal, évidemment… Ça n’a pas le sens commun. À la veille de son mariage, venir se fourrer, avec sa maîtresse, sous les yeux de sa fiancée ! C’est inconvenant, godiche, tout ce que tu voudras… Mais de là à te rendre malade, comme tu le fais !… Sois raisonnable, aussi !… Voilà un garçon qui t’aime certainement. Ce souper, tu peux en être certaine, c’est une rupture avec son passé. Une rupture définitive. Quand vous serez mariés, ce sera le garçon le plus fidèle. À condition que tu saches le prendre, naturellement…

Monique secoua la tête :