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la garçonne

vite lui dire au revoir : « Non, pas de bise, à cause de mon rouge ! » Et comme la menotte, maintenant, remonte au velours des joues, la voix impatiente ordonne : « Laisse-moi ! Tu vas m’enlever ma poudre. »

Derrière il y a papa tout en noir, avec un grand V blanc qui sort du gilet. C’est une drôle de chemise, en carton glacé ! Maman raconte à tante Sylvestre, qui écoute en souriant, une longue histoire. Mais papa tape du pied et crie : « Avec votre manie de mettre trois heures pour vous fourrer du noir aux cils et du rose aux ongles, nous manquerons l’ouverture ! »

Quelle ouverture ? Celle des huîtres ?… Non. Dès que papa et maman sont partis, sans l’embrasser, — (Monique a gros cœur) — tante Sylvestre explique que c’est l’ouverture de la musique… La musique, ça s’ouvre donc ?

Monique, rêveuse, demande : « Alors en quoi c’est fait ? » et tante Sylvestre, qui l’a prise sur ses genoux, explique en la câlinant : « La musique, c’est le chant qui sort de tout… de soi quand on est heureux… du vent quand il souffle sur la forêt et sur la mer… C’est aussi le concert des instruments, qui rappelle tout ça. Et l’ouverture, c’est comme celle d’une grande fenêtre sur le ciel, pour que la musique entre, et qu’on l’entende. Tu comprends ? »

Monique regarde tendrement tante Sylvestre et fait signe que oui.

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