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et contradictoire expression, d’absence et de volonté, il crut à quelque drame du cœur. À moins que ce ne fût simple complication des sens ? Vengeance de femme trompée ou perversion de curieuse, qu’importait ? Elle était venue, sans se faire prier. Il se dit qu’il eût été bien bête de ne pas profiter de l’aubaine.

Il regardait, ivre d’une joie ahurie, ce corps magnifique, abandonné… Les jambes longues, la rondeur des hanches sous la transparence de la chemise courte, les bras croisés sur la poitrine nue… Avec la fraicheur et la gracilité de la jeune fille, cette diablesse avait la plénitude de la femme ! Que faisait-elle, dans la vie, cette passante dont il ne savait ni les pensées ni le nom, et qu’il entraînait, sans résistance, vers le lit ?…

Étendue, les bras allongés, Monique se laissait faire comme une bête, une bête inerte. Elle avait les yeux clos, les mains si durement fermées que ses ongles lui entraient dans les paumes. Sous les caresses qui la parcouraient toute, ou soudain s’attardaient, aux seins tendus, au sillon secret, elle tressaillait parfois de réflexes nerveux. Alors elle serrait les dents, pour ne rien livrer d’elle, que sa chair. Un âcre plaisir de vengeance la transportait, si plénier que toute pudeur en était, au fond de l’être, abolie. Seule une angoisse la tourmentait à l’approche du pénible contact.

D’abord savants et doux, les baisers de l’homme s’exaspéraient. Et comme, farouchement, elle refusait ses lèvres, il perdit contrôle. L’instinct le rua. Sous l’aiguillon brûlant qui la pénétrait, elle poussa un cri si aigu qu’il s’arrêta. Mais comme elle se taisait, il l’enlaça plus étroitement, et tout en les faisant