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la garçonne

« Mademoiselle », régente de sa vie, la surveille et la sert. Mais, ce soir, Mademoiselle a congé. Tante Sylvestre la remplace.

Monique adore tante Sylvestre. D’abord, toutes les deux, elles ne sont pas pareilles aux autres. Les autres, c’est des femmes. Même Mademoiselle ! Maman lui a donné ce nom comme ça : « Bien que, vous soyez veuve ! Parce qu’une gouvernante doit toujours s’appeler Mademoiselle. »

Tante Sylvestre et Monique, au contraire, sont des filles. Elle, une petite fille, quoiqu’elle se juge déjà grande. Et tante, une vieille fille… Vieille, si vieille ! À preuve qu’elle a la peau plissée et au menton trois poils, sur un pois chiche.

Ensuite tante Sylvestre apporte toujours du nougat noir, aux amandes et au miel brûlé, chaque fois qu’elle arrive d’Hyères. Hyères, Monique ne sait pas bien où c’est, ni ce que c’est. Hyères c’est la même chose qu’Hier ; c’est très loin… Il n’y a qu’aujourd’hui qui compte. Et aujourd’hui, c’est fête. Papa et maman doivent aller à l’Opéra et, avant, ils sont invités au restaurant.

L’Opéra est un palais où les fées dansent en musique, et le restaurant un endroit où on mange des huîtres… C’est réservé aux grandes personnes, déclare tante Sylvestre.

Mais voilà une fée, — non, c’est maman ! — qui apparaît en robe décolletée. Elle a des plumes blanches sur la tête et elle a l’air habillée toute en perles. Monique touche l’étoffe, extasiée… Oui, de petites, toutes petites perles, vraies ! Elle aimerait à en avoir un collier.

Elle caresse le cou de maman qui se penche pour