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siennes » dont l’éclat de surface ne lui cachait pas le cloaque… Corps à vendre, consciences à acheter !… Heureusement il y avait encore, — comme disait Georges Blanchet, cet après-midi, — des exceptions ! Mais, elle-même, un Lucien, un Vignabos, une tante Sylvestre, on les comptait !

Monique rit à la tête que celle-ci eût faite devant le double spectacle, scène et salle, si elle eût écouté sa sœur qui voulait absolument l’entraîner à Méné !… Quelle bonne idée la tante avait eue, en allant passer tranquillement à Vaucresson sa nuit et sa journée de Noël, chez Mme Ambrat…

Encore une amie du genre Vignabos ! Une féministe, et militante. Mme Ambrat, professeur au lycée de Versailles, trouvait encore le temps de diriger, après l’avoir fondée, l’œuvre des Enfants Recueillis. Ce qui ne l’empêchait pas d’être, pour son mari ingénieur, une compagne admirable… Monique les imaginait tous trois, attendant minuit, en causant sous la lampe, pour arroser d’un verre de Vouvray (M. Ambrat était Tourangeau) l’oie farcie et le boudin. Elle envia leur vie d’intelligent labeur, leurs joies simples… Elle aurait dû, puisqu’elle ne devait pas revoir Lucien, — accompagner tante Sylvestre, finir avec elle cette journée, qui avait été excellente.

Elle récapitula : la visite rue de Médicis ; le manteau de petit-gris et la cape de martre commandés chez le fourreur ; Lucien retrouvé boulevard Suchet pour choisir les meubles indiqués par Pierre des Souzaies (pas mal le cartonnier et la bibliothèque !)… et puis, toujours sous le regard lumineux de l’excellente vieille, le thé, au Ritz.