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Hôpitaux, Dancings !… et, farouchement, il téta sa pipe.

Blanchet reprenait :

— Mademoiselle a raison. La polygamie, du point de vue des femmes, est moins un instinct qu’un réflexe, une cause qu’un effet. Réflexe désorganisateur, effet fâcheux, mais dont, en stricte justice, nous ne sommes pas fondés à leur refuser le droit d’exercice. D’autant que, il faut bien le reconnaître, le mariage est une chose, et l’amour, c’est-à-dire, l’instinct sexuel, une autre… Mais je ne sais si je puis…

— Allez-y, monsieur ! fit Monique. Si je crains certaines idées, je n’ai pas peur des mots.

Il s’inclina :

— Vouloir associer le mariage et l’amour, c’est conjuguer le feu et l’eau, c’est unir la tempête et la rade ! L’amour et le mariage peuvent coïncider, soit ! Mais rarement, et, en tout cas, pas longtemps.

— Grand merci ! Et moi qui épouse, dans quinze jours, l’homme que j’aime !

— Vous serez donc, mademoiselle, de ces exceptions qui confirment la règle. Combien de Daphnis et de Chloé finissent en ménage, dans la peau de Philémon et de Baucis ? Si peu ! Ou alors après quelques traverses !

— Où voulez-vous en venir ?

— À ceci : qu’il serait équitable, et prudent, de laisser mener aux jeunes filles aussi, avant le mariage, leur vie de garçon. Elles n’en seront que de meilleures épouses, leur gourme jetée.

Elle éclata de rire :

— Heureusement que tous les hommes ne pensent pas comme vous. Sans cela, je resterais pour compte !