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la garçonne

— Pardonnez-moi, Lucien. J’ai mis en vous, religieusement, toute mon espérance. Je souffrirais tant, si elle devait être déçue… Pour moi, je vous l’ai dit, il n’y a au monde qu’une chose impardonnable, entre un homme et une femme qui s’aiment. C’est le mensonge… La tromperie !… Et quand je dis tromperie, entendez-moi : on peut encore pardonner une erreur, une faute qu’on regrette et qu’on avoue !… On ne peut pas pardonner le mensonge ! C’est cela, la vraie tromperie. Et c’est dégradant, c’est bas…

Il acquiesça, d’un signe de tête. Il fallait jouer serré !

— Je vous demande pardon, si je suis un peu nerveuse… J’ai reçu, en rentrant, une lettre anonyme dont je ne vous dirai rien, que ceci : Je l’ai brûlée, et je ne crois pas un mot de ce qu’elle contient.

Il fronça le sourcil. Et très calme :

— Vous avez eu tort de jeter au feu cette saleté ! Il y avait peut-être là des indices intéressants, n’eût été que pour permettre de confondre l’auteur…

Elle se frappa le front :

— Vous croyez que c’est un homme ? Comment n’y ai-je pas pensé !

Elle se reprocha d’avoir cru à une vengeance de femme, vit dans son attitude, autant que dans l’imprévu de la suggestion, la preuve dont, crédule, elle n’avait d’ailleurs nul souci.

Il ajouta :

— Quoiqu’on ait pu vous écrire, je n’ai pas besoin de vous jurer que c’est faux.

Elle lui ferma la bouche :

— Je ne l’ai pas cru une seconde !