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la garçonne

tion est bonne, en ce temps de crise, pour tout le monde !

— Comment cela ? dit Monique.

— Pour ton père, que ça arrange… Pour ton fiancé, qui tout en s’associant à moitié prix, fait le généreux à tes dépens ! Pour toi, enfin, puisque, tondue, tu dis amen

Monique éclata de rire.

— Tante a un peu raison ! Au fond, père, dans tous vos calculs, vous ne vous êtes pas plus souciés de moi, ni l’un ni l’autre, que d’un zéro ! C’est vexant !

Mais elle était si heureuse d’avoir quelque sacrifice à consentir à ceux qu’elle aimait, — sacrifice d’argent à l’un, d’amour-propre à l’autre, — que toute préoccupation égoïste s’effaçait. La joie de donner l’enivrait autant que celle de recevoir. Elle avait hâte que Lucien arrivât, pour le remercier, en le taquinant, Comme il se faisait attendre !

La pendule sonna dix heures.

— Il est en retard !

Et en même temps, elle tressaillit :

— Le voilà !

Avant que personne n’eût entendu, elle percevait la magnétique présence. L’approche cheminait en elle… Le timbre de l’antichambre, enfin.

— Qu’est-ce que je disais :

Elle alla ouvrir la porte du salon, prit son fiancé par la main.

— Entrez, monsieur ! C’est du joli…

Il questionna, vaguement inquiet.

— Pas d’excuses ! D’abord vous êtes en retard, Ensuite, monsieur mon mari se permet de disposer de moi comme d’une simple marchandise !… Vous