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La nervosité de sa fille lui paraissait, ce soir, plus trépidante que de coutume.

— Monique ! fit-elle, en lui montrant le dos de la femme de chambre qu’un fou rire secouait. Sur la desserte, le plat de foie gras au porto en tinta.

Mais Monique était lancée :

— Dis donc, papa, sais-tu comment Ponette a baptisé Léo ? Le mec plus ultra !

M. Lerbier dressa sa petite tête de casoar.

— Non ?

— Michelle l’a entendu, voyons !

Tante Sylvestre s’enquit :

— Qui est-ce, Ponette ?

— Madame Bardinot.

— Et pourquoi Ponette ?

— Dérivé de Paulette… Parce que facile à monter. Mme Lerbier, cette fois, crut bon de se fâcher, pour l’office.

— C’est effrayant comme tu es mal élevée !

— Attrape, tante ! Si tu ne m’avais pas habituée à dire la vérité !

— Pardon ! ta mère a raison. Même pour la vérité, il y a la manière.

Mme Lerbier renchérit :

— Surtout pour la vérité. D’abord qu’est-ce que c’est que ça, la vérité ?

— Ce que je crois vrai, trancha Monique.

— Et voilà ! Elle a le monopole !… Qu’en dis-tu, la maîtresse d’école ?

— Tante Sylvestre approuva sa sœur.

— C’est qu’aussi, concéda Monique, moins comme excuse que comme explication, ce milieu me dégoûte !