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la garçonne

Entrez dans la danse !
Voyez comme on danse !
Sautez ! Dansez ! Embrassez
Celle que vous voudrez !

Alors elle éclata de rire et coup sur coup baisa, au bout du nez et au menton, la bonne vieille qui se laissait faire, avec un bon regard…

— Ouf ! dit tante Sylvestre, en se rasseyant.

Maintenant, les bras levés, sur lesquels la manche longue avait glissé, découvrant l’aisselle dorée, Monique refaisait son chignon. Elle semblait, avec sa jeune poitrine aux seins dressés, une statuette de Victoire, à la proue de son destin.

— As-tu vu qu’il y avait une lettre, sous les imprimés ? demanda tante Sylvestre.

Et la retournant :

— Elle a un drôle d’aspect…

— Non, montre !…

L’enveloppe grasse, en papier bulle, l’écriture renversée. Cela sentait l’anonyme… Monique, d’un air dégoûté, ouvrit :

— Eh bien ! s’écria tante Sylvestre, devant le visage étonné, puis rouge d’indignation.

— Oh ! lis !…

— Je n’ai pas mes lunettes. Va, j’écoute.

Avec une voix de mépris, qui au fur et à mesure se nuançait d’une inquiétude involontaire, Monique relisait :

« Mademoiselle,

« C’est triste de panser qu’on trompe une jeune fille comme vous. L’homme que vous allez épouser ne vous aime pas, il fait une affaire… Vous n’êtes pas la pre-